Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
la ville qui a vu les premières années de la souveraine.
Aliénor est restée en Angleterre jusqu’à la fin de l’été. Pour la reine cette période de l’année 1156 a été marquée par deux événements, l’un heureux, l’autre malheureux. Nous ne savons pas exactement dans quel ordre ils se sont déroulés. Ce qui est sûr, c’est qu’en juin 1156 Guillaume, l’aîné des enfants du couple, meurt. On le savait de santé fragile, il n’aura pas vécu trois ans. Sa mère le fait enterrer à Reading. Dans les mêmes semaines, Aliénor met au monde la petite Mathilde. Probablement vers la fin de l’été, la reine quitte l’Angleterre, laissant l’île aux bons soins de Thomas Becket. On ne sait pas si elle est accompagnée de ses deux enfants. Le jeune Henri est maintenant l’héritier de la couronne et nous savons que c’est Thomas Becket qui sera chargé de veiller à son éducation. La décision avait-elle été prise avant le départ d’Henri, l’a-t-elle été par Aliénor pendant l’été ou encore l’année suivante, lorsque le couple reviendra dans l’île ? Dans les deux premiers cas on peut imaginer que l’enfant est resté auprès du chancelier. Sinon, la reine a pu garder ses enfants avec elle. Cela se rapprocherait de notre propre conception de la famille comme une « cellule » réunie le plus souvent possible ; c’est loin d’être le cas pour des gens comme Henri et Aliénor qui sont plus préoccupés par le gouvernement de leurs États que par l’éducation des enfants, y compris des leurs.
Accompagnée ou non des enfants, Aliénor retrouve son mari, peut-être en Anjou, dans le courant du mois d’octobre. Henri est officiellement « sacré » duc d’Aquitaine, vers la mi-novembre. Aucun doute qu’Aliénor a œuvré pour ce sacre et qu’elle a mis tout son poids de duchesse héréditaire pour convaincre ses barons aquitains de reconnaître solennellement Henri comme leur duc et comte. La cérémonie se déroule dans la basilique Saint-Hilaire. La cathédrale Saint-Pierre, qui sera détruite quelques années plus tard pour faire place à celle que nous connaissons, a été construite sur ordre d’Aliénor et d’Henri. On trouve dans les chroniques la mention que la reine a demandé l’autorisation à son époux de faire construire une nouvelle cathédrale et que celui-ci la lui a accordée. Henri est désormais le comte-duc, c’est donc lui qui décide.
Sous les Plantagenêt, la cérémonie de couronnement des ducs d’Aquitaine va prendre un lustre tout particulier. Là encore, il faut y voir un effet de la rivalité avec les Capétiens. Plus le « sacre » du duc d’Aquitaine revêtira un aspect grandiose et solennel, plus il diminuera son inféodation au roi de France en marquant sa richesse, son pouvoir et son ancienneté. Il s’inscrit dans une tradition qui remonte soixante ans avant l’installation d’Hugues Capet sur le trône de France ; Eble Manzer, comte de Poitiers, recueille l’Aquitaine en 927 alors que Hugues 1er Capet est couronné en 987.
Le roi d’Angleterre n’a pas perdu de temps pour se faire couronner après avoir fait hommage des terres de sa femme au roi de France. J’aurais même tendance à penser que, si ce n’avait été l’épisode angevin pour « calmer » son frère, il l’aurait fait plus tôt. Il lui fallait aussi attendre qu’Aliénor le rejoigne, donc qu’elle se remette de son accouchement. On connaît l’impatience d’Henri, ce temps a dû lui peser. Mais la présence de sa femme est indispensable. Ces terres sont à elle et elle les apporte en dot à son mari. Pourtant, elle-même n’a jamais été couronnée duchesse d’Aquitaine. Elle ne peut l’être que mariée. En revanche, elle pourra plus tard décider de faire couronner duc son fils Richard, de son vivant et plus ou moins contre l’avis d’Henri. Cela montre l’ambiguïté du pouvoir de la femme dans la féodalité : il est réel, mais ne s’exerce que sous l’autorité d’un homme.
Pour l’heure, c’est Henri qui est couronné et on mesure par la rapidité avec laquelle il a organisé la cérémonie que ce couronnement lui était indispensable pour être accepté par ses vassaux. L’hommage à Louis VII était de ce point de vue capital et la volonté seule d’Aliénor, par exemple, n’y suffisait pas. On se souvient de la chevauché aquitaine de la fin de l’année de leur mariage, en 1152. Pourquoi Henri n’a-t-il pas
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