Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

été couronné à ce moment-là ? Après tout ils avaient eu le temps de préparer la cérémonie puisqu’ils s’étaient mariés en mai. À l’époque, pour des raisons évidentes, Henri n’avait pas fait hommage des terres de sa femme au roi de France ; on avait donc attendu. L’Angleterre les avait ensuite accaparés. Cela nous donne une indication très précise du rôle et de la place morale que tient le roi de France dans cette société féodale sortie depuis quelques décennies d’une période d’hésitation et qui commence à se codifier.
    Le couple royal, ducal et comtal est à Bordeaux pour les fêtes de Noël 1156. La cour qui entoure Henri et Aliénor est avant tout une sorte d’administration itinérante. « Tenir sa cour en lieu » veut dire également régler les problèmes locaux, de justice, de police, arbitrer les différends, décider des taxes spéciales, des transferts de biens comme les donations au clergé ou à des tiers, etc. L’empire Plantagenêt sera tout au long du règne d’Henri et Aliénor remarquablement administré sans pour autant qu’il existât une administration centrale telle quelle a pu s’installer en France à partir du XVIIe siècle. Cohabitent deux niveaux d’administration : le niveau local avec les sheriffs et autres prévôts, baillis, vicomtes… et une curia autour du prince chargée des affaires générales et qui fonctionne comme une sorte d’administration supérieure à laquelle on peut avoir recours si l’on ne trouve pas une juste solution à son problème à l’échelon local. Cette « mécanique » administrative héritée des Normands a parfaitement fonctionné sous Henri et Aliénor et, plus tard, sous le règne de leur fils Richard.

12 Second couronnement
    Au début de l’année 1157, le couple royal retourne en Angleterre. Henri y reprend aussitôt son activité de pacification et d’administration. Les Gallois donnant quelques signes d’agitation, il entreprend une campagne fulgurante et leur reprend des territoires frontaliers dont ils s’étaient emparés au temps du roi Étienne.
    En avril, le roi et la reine tiennent leur cour à Londres. En juillet, les souverains réunissent à Northampton une grande assemblée où se retrouvent la plupart des barons anglais. C’est l’occasion de faire le point après deux années de règne. Henri et Aliénor ont tout lieu d’être satisfaits. Le pays est pacifié, les derniers seigneurs récalcitrants ont été matés, les derniers châteaux adultérins détruits et l’argent rentre régulièrement dans les caisses. On frappe maintenant une monnaie plus riche en métaux précieux, qui redonne confiance aux marchands, de sorte que l’activité commerciale de l’île – et tout particulièrement de la cité de Londres – est en pleine croissance. Les frontières nord avec l’Écosse et ouest avec le pays de Galles sont également pacifiées. Le roi Malcolm IV d’Écosse a renoncé aux comtés – Northumberland, Westmorland et Cumberland – que la couronne écossaise s’était appropriés sous le règne d’Étienne de Blois et que, quelques années plus tôt, Henri avait cédés au prédécesseur de Malcolm, pour prix de son soutien contre Étienne. Mais le jeune roi d’Angleterre est désormais le plus fort, Malcolm s’incline et se voit contraint de lui faire hommage pour toutes ses possessions sur le royaume d’Angleterre. Du côté gallois, on se tient tranquille depuis l’opération éclair du début de l’année à l’issue de laquelle Henri a obtenu l’hommage des deux principaux chefs gallois, Owain, prince de Gwynedd, et Rhys ap Gruffydd, prince de Deheubarth.
    Le 8 septembre 1157, le couple se réjouit d’un heureux événement : Aliénor met au monde un fils, son quatrième enfant avec Henri, que l’on prénomme Richard. Ce Richard entrera plus tard dans l’histoire, et dans la légende, sous le nom de Richard 1er Cœur de Lion. L’enfant naît à Oxford.
    Le couple passe les fêtes de Noël à Wikeford, près de Lincoln, dans le centre de l’Angleterre. Ensemble ils préparent un événement important qu’ils ont décidé pour l’année 1158 : leur second couronnement. La cérémonie est prévue pour le jour de Pâques et se déroulera dans la cathédrale de Worcester.
    Une nouvelle cérémonie de couronnement, moins de quatre ans après la première de décembre 1154, n’est pas une chose exceptionnelle. Les Capétiens, au début de leur