Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
installation sur le trône de France, ont eu recours à ce procédé. Sans oublier que les rois faisaient couronner leur fils de leur vivant afin de s’assurer de la continuité dynastique.
Il y a deux niveaux dans le sacre : le niveau spirituel, religieux, et le niveau temporel. Le roi est oint par un ecclésiastique – en France, il s’agit de l’archevêque de Reims, en Angleterre celui de Canterbury –, il reçoit ainsi de l’Église la mission d’assurer le calme et la sécurité des chrétiens. Dans le même temps, par l’apposition sur son front d’une huile consacrée, il devient une personne religieuse dont on peut considérer qu’elle tire son autorité de Dieu lui-même et non plus de l’Église ou de Rome. D’où l’ambiguïté du pouvoir royal face à l’Église et les conflits nombreux qui ont découlé de cette ambiguïté. Cette onction influe également sur la personne « laïque » du souverain, comme le souligne Martin Aurell : « Dans le droit féodal, l’onction offre un atout supplémentaire à son récipiendaire. Elle le place théoriquement au-dessus de tous les pouvoirs civils. Aucune autorité laïque ne lui est supérieure ; il tient de nul ; il est empereur en son royaume. » Cependant, considérons qu’au niveau religieux il n’est pas besoin d’un second couronnement. Le premier suffit une fois pour toutes. Lorsqu’on est investi d’une mission divine par sacrement, il n’est pas indispensable d’y revenir tous les quatre ans !
C’est à un autre niveau, temporel, qu’il faut chercher la justification d’une seconde cérémonie de couronnement. En acclamant le roi, pendant la cérémonie, après qu’on eut déposé la couronne sur sa tête, tous les féodaux présents acceptent son autorité : ils le « reconnaissent » solennellement pour leur roi et lui font hommage collectivement. La légitimité est un souci constant pour Henri et Aliénor.
Le second couronnement d’Henri et Aliénor, en 1158, est à considérer comme une assise supplémentaire qui les conforte sur le trône d’Angleterre. La cérémonie clôt les trois premières années de leur règne qui sont des années de pacification et de remise en route de l’État. Ils ont réussi. Leur premier couronnement symbolisait l’espoir d’un peuple qui voulait sortir de vingt ans de guerre civile, de douleur, de chaos. Henri et Aliénor étaient alors attendus, espérés, comme n’importe qui portant avec lui le souffle du changement et la promesse d’une vie heureuse. À l’approche de l’avènement d’Henri et Aliénor, en 1154, l’archidiacre de Huntington écrivait, plein d’espoir et d’enthousiasme et s’adressant au futur roi : « … tu es le plus digne du sceptre, toi qui tiens déjà les rênes du royaume ! Tu ne portes certes pas encore le sceptre, mais à travers toi ou même encore sans toi, retenu au-delà de la mer, l’Angleterre jouit de la paix […]. Tes baguettes, alors que tu t’approches rayonnant, sont confiance certaine, clémence joyeuse, puissance prudente, joug léger, vengeance pondérée, correction douce, amour chaste, honneur balancé et désir modéré. »
C’est un vœu que l’on avait couronné en décembre 1154. En avril 1158, le vœu s’est réalisé et c’est un homme et une femme qui ont montré qu’ils étaient à la hauteur de la tâche qui leur avait été confiée que l’on couronne. Le lien personnel, d’homme à homme, présent dans chaque serment féodal, joue totalement dans ce second couronnement. Ils ne ceignent pas, cette fois, la couronne par héritage, à la suite d’une combinaison faite de filiation, de chance, de force et d’habilité, mais parce qu’ils en sont dignes, et que l’ensemble de la population, nobles, ecclésiastiques, bourgeois et paysans, les « reconnaissent » pour leurs souverains et s’inclinent devant leur pouvoir.
Dans une certaine mesure, le couronnement de Worcester est presque plus important que le premier, à Westminster. C’est pourquoi le roi et la reine le veulent grandiose. D’autant qu’ils ont prévu une « surprise » à la suite de la cérémonie. Ils ont apporté tous leurs soins à la préparation de ce couronnement et nul doute que l’efficace Thomas Becket a dû se dépenser sans compter pour organiser un événement digne de la puissance des souverains anglais. Son sens de la munificence a pu s’exprimer sans limites.
Si l’on sait que tout le ban et
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