Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
considérer que le roi est investi des deux pouvoirs, spirituel et temporel, qui lui sont conférés par l’Église et par l’aristocratie laïque. À l’invitation de l’archevêque, le roi prononce une seconde fois le triple serment du début de la cérémonie.
C’est maintenant le moment de recevoir la couronne. Howden, dans son récit du couronnement de Richard Cœur de Lion, montre le roi se saisissant lui-même de la couronne posée sur l’autel, la remettant ensuite à l’archevêque qui la lui pose sur la tête. Il est très probable qu’Henri ait procédé de la même manière ; c’est peut-être même lui qui a instauré ce geste fort d’indépendance du roi face aux prélats, ce qui va tout à fait dans le sens de sa politique. Après la couronne, le roi reçoit deux autres emblèmes de son pouvoir ; le sceptre et la baguette, symboles du commandement.
La cérémonie du sacre se termine par l’intronisation du roi. Elle est suivie d’une messe. Pendant cette messe, au moment de l’offertoire, le roi se lève de son trône et dépose une pièce d’or sur l’autel, geste qui symbolise une nouvelle foi la soumission du souverain à l’Église.
Selon toute probabilité Aliénor est couronnée en même temps que son époux. Nous ignorons malheureusement les détails de la cérémonie. Était-elle couronnée après le roi ou exactement au même moment ? Étant donné que les détails nous sont donnés par le récit du couronnement de Richard qui était célibataire lorsqu’il a succédé à son père, il est difficile, voire impossible, de déterminer précisément le déroulement des choses en ce qui concerne la reine. La question s’est d’ailleurs posée de savoir si la reine avait été ointe lors du premier couronnement de 1154, étant donné qu’elle l’avait déjà été lors de son couronnement comme reine de France. Martin Aurell, qui a étudié très précisément la cérémonie de couronnement des souverains angevins, relève deux points essentiels à propos du couronnement de la reine : « D’une part, en situation normale, la reine est sacrée en même temps que son époux. D’autre part, elle reçoit, comme lui, l’onction et la couronne, éléments essentiels et constitutifs de la cérémonie. En outre ses regalia comprennent, comme pour son conjoint, le sceptre et la baguette ; en revanche, contrairement à son époux, elle se voit passer l’anneau au doigt et ne reçoit aucune épée. En somme, sacre et couronnement opérés avec le mari attribuent à la reine un statut de souverain équivalent », mais si la reine tire incontestablement autorité et prestige de son sacre, qu’elle ne reçoive pas l’épée – insigne de commandement militaire et de pouvoir judiciaire – la prive de la réalité du pouvoir. Et Martin Aurell conclut : « L’épouse royale est donc associée au trône, ce qui la rend “consort” au sens entier du terme, à savoir l’association à la même destinée et à la communauté d’honneur et dignité. Mais sa puissance réelle n’est jamais institutionnalisée : elle dépend exclusivement de son ascendant sur son époux, du pouvoir quelle a conservé dans sa principauté territoriale ou des circonstances de son veuvage. »
Revenons à Pâques 1158 à Worcester. Pendant la messe qui suit la cérémonie, au moment de l’offertoire, Henri et Aliénor font un geste inattendu : ils déposent leur couronne sur l’autel et jurent de ne plus jamais la porter. Leur geste a surpris et fait couler beaucoup d’encre de leur vivant et bien plus tard. Si l’on regarde objectivement les choses, les souverains avaient plusieurs raisons pour agir ainsi : des « bonnes » et des « moins bonnes ». Dans les moins bonnes, rangeons un souci d’économie et une certaine distance vis-à-vis de l’apparat. De la part d’Henri, ce n’est pas très étonnant. Il ne se soucie pas de son apparence et n’éprouve aucun goût pour le luxe, d’autant que ce genre de cérémonie coûte une fortune. Ce dédain du luxe surprend plus de la part d’Aliénor qui n’a jamais caché son goût pour un certain faste ; goût qu’elle avait déjà très jeune et qui s’est accru lors de la croisade lorsqu’elle a passé quelques jours à la cour de l’empereur de Byzance et qu’elle a été littéralement éblouie par la richesse de la cour byzantine. Mais après tout la reine a vieilli ! Certains historiens y ont vu un souci
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