Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
l’arrière-ban de l’aristocratie anglo-normande étaient présents, nous ne connaissons pas le détail de ce couronnement. Cette cérémonie très codifiée se déroulait à peu près toujours de la même manière avant et après le règne d’Henri et Aliénor. Il est possible d’en reconstituer le déroulement grâce au récit très détaillé que Roger de Howden fait du couronnement de Richard Cœur de Lion à Westminster en 1189, et à la description faite par Gervais de Canterbury de la cérémonie de port de la couronne par le même Richard, à Winchester, à son retour de croisade et de la captivité qui l’avait suivie, en 1194.
Le roi attend dans sa chambre. C’est là que vient le chercher un cortège composé d’évêques, d’abbés et de clercs. En procession, ils empruntent ensuite une rue dont le sol est recouvert de tapis et le mènent jusqu’à l’autel – en l’occurrence, pour Henri en 1158, celui de la cathédrale de Worcester. Lors du couronnement de Richard, Roger de Howden détaille l’ordre de la procession. En premier viennent les clercs qui portent goupillon, croix et encensoirs. Ils sont suivis de prélats – prieurs, abbés et évêques – qui entourent quatre barons portant chacun un candélabre doré. Quatre autres barons ou grands féodaux portent le bonnet du roi, ses deux éperons d’or, le sceptre et une baguette dorée surmontée d’une colombe. Le cortège se poursuit avec de nouveau trois grands seigneurs portant chacun un glaive ; pour le couronnement de Richard, il s’agissait de son frère, Jean sans Terre, David de Huntingdon, frère du roi d’Écosse, et Robert de Beaumont. Ils précèdent six comtes et barons tenant sur leurs épaules un grand échiquier où sont posés les regalia {29} et les vêtements royaux. Vient ensuite un seigneur portant la couronne et, fermant le cortège, le roi, placé sous un dais de soie tendu par quatre barons des cinq ports et entouré de deux évêques. La procession est suivie par une foule d’aristocrates, comtes, barons, chevaliers – pour la plupart anglais et gallois –, et par un grand nombre de clercs. Selon Martin Aurell : « Par son ordonnancement, cette procession reflète la hiérarchie des deux premiers ordres de la société anglaise, même si elle ne répond pas aux critères de la préséance au sens strict {30} . »
Le cortège et sa suite entrent dans la cathédrale sous une acclamation solennelle qui indique que le peuple et le clergé reconnaissent comme leur roi l’homme pénétrant dans l’église et que l’on va couronner. « Cette acclamation ancienne, commune aux anciennes tribus celtiques et anglo-saxonnes, joue sur la complémentarité des principes d’élection et d’hérédité. À une époque où les règles de succession ne sont pas encore rigoureusement fixées, elle a toute sa raison d’être {31} . »
Devant l’autel, le roi s’agenouille. Il étend ses mains, les pose sur les Évangiles et les reliques placés sur l’autel. Il prête alors le triple serment de protéger l’Église, de rendre la justice au peuple et de supprimer les mauvaises coutumes. Ce serment est suivi de la proclamation de quelques devoirs et, parmi eux, celui de respecter les privilèges de ses sujets. Henri aurait, si l’on en croit certains historiens, ajouté un quatrième volet à son serment qui serait l´inaliénabilité des droits et des propriétés de la couronne, et cela dans le but d’affirmer l’autorité de la couronne face à l’Église. Une fois le serment prononcé, le texte en est déposé sur l’autel.
Le roi ôte maintenant tous ses vêtements pour ne conserver qu’une chemise et des braies. À ce moment, l’archevêque de Canterbury entre en scène. Le vieux Thibaud, qui avait déjà sacré Henri et Aliénor en 1154, oint la tête, la poitrine et les bras du souverain. Ces trois parties du corps sont censées être les sièges de la gloire, de la science et de la force. C’est, à l’époque, le moment de la cérémonie le plus chargé de symbole, son « temps fort » en quelque sorte. L’archevêque pose ensuite le bonnet sur la tête du roi qui revêt deux habits sacerdotaux : une aube et une dalmatique. Le prélat lui remet alors l’épée par un geste qui symbolise le fait que c’est l’Église qui l’investit du pouvoir. Au tour des insignes de la chevalerie maintenant : deux barons lui placent aux chevilles les éperons d’or. À ce stade, on peut
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