Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
d’humilité… n’exagérons rien ! On peut dire beaucoup de choses sur Henri et Aliénor, mais certainement pas que leurs personnalités se caractérisaient par un sens plus ou moins prononcé de l’humilité ! Comme souvent, chez ces deux-là, il faut regarder du côté des raisons politiques, qui sont les « bonnes » . La première est qu’ils n’ont plus besoin de ce type de cérémonie ; ils sont sûrs de leur pouvoir, plus personne ne le conteste, ni à l’intérieur du pays, ni à l’extérieur, tant du côté gallois que du côté écossais. En jurant qu’ils ne porteront plus jamais leur couronne, ils montrent qu’ils sont confiants dans l’avenir et sûrs d’eux-mêmes. C’est un geste très habile, fait devant la plus grande partie de l’aristocratie du pays qui vient de les acclamer comme souverains. C’est un peu comme si Henri et Aliénor obligeaient leurs barons non seulement à les reconnaître comme roi et reine mais aussi à accepter de ne plus jamais contester de quelque manière que ce soit leur pouvoir. C’est aussi un geste politique vers l’Église car, nous l’avons vu dans le déroulement de la cérémonie, il y a, à plusieurs reprises, des gestes de soumission du roi devant l’autorité ecclésiastique ; plus de couronnement, cela veut dire plus de soumission ostentatoire. Soyons convaincus qu’Henri et Aliénor ont réfléchi ce geste qui s’inscrit dans la ligne politique d’indépendance du pouvoir royal qu’ils ont adoptée dès leur avènement et qu’ils vont maintenir tout au long de leur règne.
Enfin, il semble que ce renoncement à l’ostentation du port de la couronne montre, une fois de plus, combien ils aiment exercer le pouvoir pour lui-même. N’auraient-ils pas l’impression de n’exister réellement que dans l’exercice du pouvoir ?
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1158 est une année charnière dans la vie « politique »du couple. À Worcester, on a couronné les souverains les plus riches et les plus puissants d’Occident. La meilleure preuve, selon les canons de la société féodale, en est que le comte de Flandres, Thierry d’Alsace, partant pour Jérusalem, confie à son neveu, le roi d’Angleterre, sa terre et son fils pendant son absence, alors qu’il est vassal du roi de France et que c’est à lui qu’il aurait dû s’en remettre. Arrêtons-nous un instant pour tenter d’imaginer ce qui pouvait se passer dans les esprits d’Henri et Aliénor au moment où l’archevêque de Canterbury posait la couronne sur leur tête. Peu de couples, dans l’histoire, ont bâti en si peu de temps – à peine six années se sont écoulées depuis leur mariage – un tel empire. Cet empire durera, ils en sont convaincus. Ils ont deux fils, une fille et Aliénor, au moment de Pâques, est à nouveau enceinte. Quelques mois après le couronnement un troisième fils vient au monde. Il est prénommé Geoffroy.
Henri et Aliénor peuvent tout se permettre, ils en ont les moyens. Ils ont la couronne d’Angleterre, c’est maintenant la couronne de France qui les intéresse. Pas pour eux, mais pour un de leurs fils. En effet, la seconde femme de Louis VII, Constance de Castille, épousée en 1154 a donné naissance en 1156 à une petite fille, Marguerite. Louis n’a toujours pas d’héritier mâle, et il vieillit.
Difficile de dire lequel d’Henri ou d’Aliénor a le plus envie de voir cette couronne tomber entre les mains de la famille Plantagenêt. La reine a peut-être conservé au fond d’elle-même une nostalgie de l’avoir abandonnée… Ils décident donc d’envoyer un ambassadeur auprès du roi de France pour le convaincre d’accepter une union entre leurs deux familles. Malgré leur puissance, ils sont conscients que la tâche ne sera pas facile. Mais le roi et la reine disposent d’une « arme » très efficace pour parvenir à leurs fins : le charme, l’intelligence et l’habileté du chancelier Thomas Becket. Personne d’autre que lui n’est capable de réussir dans cette entreprise. Henri et Aliénor le savent, c’est donc à lui que l’on confie la mission.
13 La belle ambassade
« Tout avait été organisé pour donner une haute idée de l’opulence et du luxe des Anglais, afin que partout, tous honorent le maître en la personne de l’ambassadeur et la mission en sa propre personne. » Par ces quelques mots, Guillaume Fils Étienne commence une description enthousiaste des fastes de l’ambassade conduite par Thomas
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