Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
roi de France – remarquons au passage la rapidité dont fait preuve l’Angevin. Le voyage de Louis VII, accompagné de sa femme Constance de Castille, se déroule en plusieurs étapes : Évreux, le Neubourg – où le couple est accueilli par Robert de Neubourg ; Louis peut ainsi mieux connaître l’homme chargé de surveiller l’éducation de sa fille Marguerite – et enfin, troisième étape, l’abbaye du Bec-Hellouin. À chaque étape, Henri est présent et reçoit somptueusement le roi et la reine de France.
Le 23 novembre 1158, les deux souverains gravissent en procession le chemin qui mène à l’église abbatiale du Mont-Saint-Michel. La foule est nombreuse et en liesse. En compagnie d’un archevêque, d’un évêque et de cinq abbés, Henri et Louis assistent à une messe célébrée par l’abbé du Mont, Robert de Torigni. Le moment est intense de recueillement et de symbole de concorde et de paix. Le lendemain, le roi de France reprend le chemin de Paris. Henri décide de raccompagner son suzerain jusque dans la ville. Et comme on ne cesse de faire assaut d’amabilités, Louis VII offre l’hospitalité à Henri dans son Palais de la Cité alors que lui-même et la reine Constance couchent au cloître Notre-Dame.
C’est probablement au cours de ce voyage que le roi de France, fidèle à sa politique d’arbitre et profitant des bonnes relations entretenues avec Henri, obtient du Plantagenêt une réconciliation officielle avec la famille de Blois-Champagne. L’accord, signé en décembre, prévoit d’un côté la restitution par Thibaud de Blois des châteaux d’Amboise et Frétéval, situés à la frontière angevine et dont il s’était emparé quelques années plus tôt. Toujours du côté français, le beau-frère de Thibaud, Rotrou du Perche, restitue Bonsmoulins et Moulins-La-Marche, sur la frontière normande, et reçoit en échange la seigneurie de Bellême pour laquelle il devient le vassal d’Henri. Le texte comporte également un passage où le roi Henri assure son seigneur français « sa vie et ses membres, et son honneur terrestre, à condition que lui-même m’assure, comme à son homme et fidèle, ma vie et mes membres, et les terres dont il m’a investi, et pour lesquelles je suis son homme ». Voilà qui a le mérite d’être clair en termes de réciprocité ! En quelques mois, Henri a réussi à aplanir toutes les tensions avec le roi de France par son habilité, mais aussi grâce à la richesse et à la puissance qu’il détient et qui sont suffisantes à refroidir bon nombre d’ardeurs d’opposition. En d’autres termes, le roi d’Angleterre impose à son homologue français la loi du plus fort !
Enfin, vers la mi-décembre, Aliénor, enceinte maintenant de plusieurs mois, peut rejoindre Henri. Elle débarque à Barfleur en compagnie de Thomas Becket après avoir laissé le royaume anglais à la garde de Robert de Leicester.
Pour Noël 1158, Henri et Aliénor sont réunis à Cherbourg où ils tiennent leur cour. De nombreux barons sont avec eux. Les succès diplomatiques et militaires d’Henri et Aliénor sont dans tous les esprits. Jusque-là, tout leur a réussi. Ils peuvent légitimement se considérer comme les souverains les plus riches de tout l’ouest de l’Europe. Certainement, lorsqu’ils parlent entre eux du roi de France, ils doivent esquisser de petits sourires narquois. En cette fin d’année 1158, rien ne peut les arrêter, et le moment leur semble parfait pour commencer l’exécution d’un projet qu’ils doivent mûrir sans doute depuis longtemps : mettre la main sur le comté de Toulouse et par là donner à leur empire une ouverture sur l’Orient par la Méditerranée.
14 Toulouse
Henri et Aliénor quittent le Cotentin probablement dès les premiers jours de l’année 1159. Ils descendent dans le Sud, vers l’Aquitaine. Quelques semaines de voyage qui nous donnent le temps d’imaginer leurs sujets de conversation. J’en vois trois principaux : l’administration des terres d’Aliénor dont ils ne se sont pas beaucoup préoccupés jusque-là tant ils étaient accaparés par la remise en ordre de l’Angleterre – rappelons-nous qu’à l’automne 1158 Henri a mené une campagne éclair contre Guy de Lusignan, un des principaux vassaux d’Aliénor, indiquant aux seigneurs aquitains la probable intention des souverains anglais d’appliquer aux États de la reine le modèle d’administration qui fonctionne avec
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