Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
qu’il aura alors une carte à jouer. Reste le problème de son héritier. Louis a trente-huit ans, le temps presse certes, mais c’est un homme de foi, confiant en la providence et convaincu – du moins je veux l’imaginer – que jamais Dieu, qui investit le roi de France de son pouvoir, ne laissera la couronne tomber entre les mains d’un Plantagenêt, qui plus est fils du second mari de sa femme !
Louis accepte donc la proposition que Thomas fait au nom des souverains anglais. Cette proposition est garante de paix et cela aussi a son importance. Le roi de France n’aime pas la guerre ; elle coûte cher et son issue n’est jamais sûre. Rien ne nous permet d’ailleurs d’affirmer que de son côté Henri en a le goût ; ce n’est pas forcément parce qu’il est un excellent chef militaire qu’il aime cette activité. À tout prendre, il préfère dépenser son énergie dans la chasse au faucon. Et connaissant son avarice, il est très probable que l’argument pécuniaire le touche également.
Dès le mois d’août, Henri est sur le continent. Il a précipité sa venue à l’annonce de la mort de son frère, Geoffroy, comte de Nantes depuis à peine un an. Henri étant le plus proche héritier de Geoffroy, mort sans enfant, il considère que le comté lui revient de droit, ce que, bien évidemment, le duc de Bretagne Conan IV conteste.
Débarqué en Normandie, la première chose que fait le roi d’Angleterre est de rencontrer, sur les bords de l’Epte, à la frontière franco-normande, son homologue français pour arrêter définitivement les conditions du mariage et obtenir en même temps la neutralité du Capétien sur la succession nantaise. Henri est satisfait sur les deux points. Marguerite de France est dotée du Vexin normand dont les châteaux de Gisors, du Vaudreuil et de Neauphle. Le roi de France conserve la garde de l’ensemble jusqu’au mariage qui sera célébré dès que la fillette aura atteint l’âge nubile. Dans le cas où Henri viendrait à mourir, la petite princesse épouserait un autre fils d’Henri et Aliénor, lequel recevrait alors deux possessions importantes, une en Angleterre, la ville de Lincoln, et une en Normandie, la cité d’Avranches.
Concernant le comté de Nantes, Louis assure Henri de sa neutralité. En fait le Capétien n’a pas grand-chose à faire de ce qui se passe en Bretagne, territoire lointain, avec lequel il n’a aucun contact, ou si peu, à la fois politiquement et aussi géographiquement, puisque l’Anjou s’interpose entre ses terres et celles du duc Conan. Henri est pressé. Il apprend pendant l’entrevue que Conan de Bretagne s’est emparé de la ville de Nantes et du comté de la Mée situé au sud de la cité. Il faut faire vite. L’accord entre les deux souverains à peine conclu, Henri part pour Argentan où il ordonne le rassemblement de toute la chevalerie normande pour la fin septembre à Avranches. Louis de son côté retourne à Paris. Il doit y préparer une seconde rencontre avec Henri qui doit avoir lieu début septembre à Paris. C’est là que le Plantagenêt viendra « prendre possession » de la jeune fiancée, Marguerite. Selon les usages de l’époque, l’éducation de la fillette incombe maintenant à sa belle-famille. Le Capétien se plie aux usages, mais il exige pourtant une chose : que la petite princesse ne soit pas élevée dans l’entourage d’Aliénor. Henri a accepté sans hésiter. Il est convenu de confier Marguerite à un homme jouissant d’une grande réputation d’intégrité : le sénéchal de Normandie, Robert de Neubourg. Cette exigence, ce n’est pas le roi de France qui l’a posée, mais Louis, un homme qui ne veut pas que l’enfant qu’il a eue avec sa seconde femme soit élevée par la première, celle qui l’a trahi. À huit cents ans de distance, nous touchons un instant la réalité humaine de ces extraordinaires personnages. Louis ne veut pas revoir Aliénor, du moins pas encore. Il y a certainement encore de la douleur dans cette distance qu’il maintient. Et la reine l’a accepté, si elle n’est pas dans la même disposition d’esprit. Remarquons qu’elle n’accompagne pas Henri. Bien qu’à nouveau enceinte, elle aurait très bien pu être présente à l’entrevue des deux souverains ; c’est après tout de l’avenir de son fils qu’il s’agit, et d’une couronne qu’elle a portée.
Les chroniqueurs s’accordent à dire que la rencontre d’Henri et
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