Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
Louis à Paris se déroule sur un fond de liesse populaire. Le peuple n’aime pas la guerre, et manifeste avec enthousiasme son approbation à tout ce qui ressemble à une paix ou une trêve. C’est probablement au cours de ce séjour parisien que le roi d’Angleterre pose au roi de France une requête inattendue. Il lui demande de lui conférer la dignité de sénéchal de France, qui selon lui revient traditionnellement aux comtes d’Anjou. Si l’on en croit Yves Sassier, les Plantagenêt réfléchissent depuis longtemps à cette revendication qui a été préparée dans l’entourage d’Henri II « au sein duquel circule depuis peu un petit traité intitulé De majoratu et Senescalcia Francicæ que vient de composer pour la circonstance un Angevin, Hugues de Clers. Son auteur y insiste sur certaines attributions domestiques du sénéchal telles que le privilège de servir le roi à table et de tailler les viandes devant lui {34} ». S’il ne s’agissait que de jouer les majordomes, la chose ne serait pas très grave pour le roi de France, mais Henri avance aussi d’autres prérogatives, militaires et judiciaires celles-là, comme d’avoir le commandement de l’avant-garde de l’ost royal ou encore de rendre la justice au nom du roi, voire de pouvoir réformer certains jugements rendus sur le territoire du royaume. Sassier le souligne : « Ces deux derniers aspects intéressent au plus haut point le roi d’Angleterre : en se faisant reconnaître le titre, Henri se trouverait fondé à agir en Bretagne, tant militairement que judiciairement, sous couvert de l’autorité du roi de France. » Les arguments avancés sont un peu tirés par les cheveux, le roi de France n’en est pas dupe. La fonction de sénéchal est occupée depuis plusieurs années déjà par le comte Thibaud de Blois, Louis VII n’a pas l’intention de la lui retirer. Mais il n’a pas non plus les moyens de s’opposer à Henri, surtout lorsque celui-ci fait montre d’autant de volonté de paix et de concorde entre eux. Bref, le roi d’Angleterre l’a habilement piégé. Le roi de France s’en sort en accordant au Plantagenêt d’intervenir en Bretagne « au titre » de sénéchal. Les apparences sont sauves. Henri n’est pas sénéchal pour tout le royaume, mais uniquement et temporairement pour la Bretagne. On peut ainsi considérer qu’il agit « en service commandé » au nom et sous l’autorité du roi de France. L’honneur de Louis VII est intact et Henri a en réalité ce qu’il voulait : les mains libres pour faire entrer le comté et la ville de Nantes – et ensuite, par extension, l’ensemble du duché de Bretagne – dans l’empire angevin.
Sitôt l’accord conclu entre les deux souverains, Henri quitte Paris avec la petite Marguerite et se rend à Avranches où l’attendent son armée et le duc Conan IV pour parlementer. Ces choses vont se régler très vite et sans combat. Devant la puissance déployée par le Plantagenêt, Conan s’incline et restitue les terres dont il s’était emparé.
Durant tout ce temps, Aliénor est restée en Angleterre. Elle administre l’île avec le justicier Robert de Leicester et probablement Thomas Becket. Rien à signaler de ce côté-là de la Manche, le pays est en paix, prospère. La reine va encore devoir attendre pour rejoindre son mari. Sitôt l’affaire de Bretagne réglée, Louis VII fait savoir à Henri qu’il veut entreprendre un pèlerinage au Mont-Saint-Michel pour célébrer à sa manière – pieux, Louis l’est ô combien ! – l’entente retrouvée avec son puissant vassal anglo-normand. Pour réaliser ce pèlerinage, il va lui falloir traverser les terres normandes. Le Plantagenêt exprime sa joie de recevoir son suzerain et se promet de l’accueillir dignement. Comme elles sont agréables, ces périodes où tout le monde s’aime et fait assaut de courtoisie ! Seule Aliénor est privée de réjouissances ; Louis n’éprouve toujours pas l’envie de se retrouver face à son ex-femme.
Le pèlerinage est prévu pour novembre. Cela laisse juste le temps à Henri de se rendre à Nantes pour installer son pouvoir sur le comté et dans la foulée descendre un peu au sud, sur les terres d’Aliénor, et s’emparer de la ville de Thouars afin de ramener à la raison son seigneur, Guy de Lusignan, qui manifeste violemment des velléités d’indépendance.
Vers la mi-novembre, Henri est de retour en Normandie pour accueillir le
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