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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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années à venir, avant que leur couple ne se délite jusqu’à la haine et à la guerre.

15 La cour du roi Arthur
    «  Le XIIe siècle a été l’un des plus grands siècles de la civilisation occidentale, une des étapes décisives de sa genèse. {37}  » L’historien Henri-Irénée Marrou installe ainsi l’époque à laquelle vivaient Aliénor et Henri au cœur même de l’évolution de notre histoire. C’est un siècle où tout change. Dans une certaine mesure, on pourrait le rapprocher du XXe siècle par la profondeur des bouleversements qui s’y déroulent. Siècle des croisades, du renouveau de la pensée chrétienne, mais aussi de la naissance de la grande hérésie cathare. Siècle de mutations politiques où le système féodal se met en place, où apparaissent de nouvelles manières de penser le pouvoir et de l’exercer. Siècle où le cadre de vie change, l’habitat se transforme, où l’on commerce plus et plus loin. Siècle littéraire enfin qui voit naître et se développer la poésie des troubadours qui place définitivement l’amour et la femme au centre de la littérature occidentale, l’idéal chevaleresque avec cette image extraordinairement forte du « chevalier » qui nous est familière encore aujourd’hui, et « l’invention » de la légende arthurienne, gisement d’inspiration considérable – la matière de Bretagne – pour un genre littéraire qui lui aussi fait son apparition : le roman.
    Aliénor d’Aquitaine et Henri II Plantagenêt ont incontestablement joué un rôle de premier plan dans les mutations de leur siècle. Parce que le pouvoir considérable qu’ils ont détenu pendant plusieurs décennies, l’étendue géographique de leur empire avec toute la diversité que cela suppose, leur ont permis de rassembler les hommes et les énergies autour d’eux. Il nous est impossible de mesurer ponctuellement leur influence, d’isoler une date, une décision, une charte dont on pourrait dire qu’elle marque un tournant dans tel ou tel domaine, mais leur présence est perceptible, palpable même, dans au moins trois domaines importants : la pratique du pouvoir, la diffusion de la poésie courtoise et de la chevalerie.
    La caractéristique principale du mode de gouvernement des Plantagenêt est la mobilité. Certes, tous les souverains et les grands féodaux de l’époque sont des nomades, car il leur faut à la fois « consommer » sur place les produits de la terre que l’on ne sait ni conserver ni transporter rapidement, mais également incarner leur pouvoir vis-à-vis de leurs vassaux et de la population. L’autorité doit se voir. Pour les Plantagenêt, c’est un défi compte tenu de l’étendue de leur domaine. Voilà pourquoi il leur a fallu développer des relais de transmission avec pour fâcheuse conséquence la création de petits potentats locaux, plus ou moins indépendants, qu’il faut en permanence recadrer. Seule la présence physique du suzerain, du roi ou de la reine, peut opérer de manière efficace ce contrôle si l’on veut éviter d’avoir recours aux armes. Henri et Aliénor vont passer leur temps à parcourir leur empire en tous sens. Il ne s’agit pas pour eux de séjourner par exemple dans la capitale d’un de leurs États : Londres, Poitiers ou Rouen ; il faut aller jusque dans les profondeurs du tissu féodal. En Normandie, par exemple, Henri a séjourné quatre-vingt-une fois à Rouen, quarante-cinq à Argentan, trente-six à Caen, vingt-huit à Valognes, vingt-six à Bur-le-Roi, quatorze à Domfront, treize à Cherbourg, douze à Quevilly, onze à Lyons, dix à Barfleur et neuf à Bayeux !
    Pendant les trente-quatre ans que dure le règne, Henri II a passé Noël dans vingt-quatre endroits différents et il a traversé la Manche vingt-huit fois. Et il n’a pas séjourné que dans des châteaux ou des palais. Quand il ne dispose pas d’une habitation en « dur », dans une abbaye ou chez un bourgeois de la ville où il se trouve, Henri couche sous la tente ; il semble d’ailleurs que le Plantagenêt apprécie ce mode de logement auquel il fait apporter un soin tout particulier, au point même d’être réputé pour les somptueuses tentes de soie qu’il offre en cadeau à ses hôtes de marque. En matière de mobilité, sans faire preuve de la même frénésie que son mari, la reine n’est pas en reste. Au cours des premières années de la décennie 1160, elle est en Angleterre, gouvernant le pays au

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