Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
dans lesquelles il installe de fortes garnisons normandes. Pour Louis VII, le coup est très rude. Un chroniqueur de l’époque remarque qu’il ne peut même plus se rendre librement de Paris à Orléans ou Étampes, qui sont parmi les plus anciens fiefs du domaine capétien.
De retour au Palais de la Cité en octobre, Louis ne peut que constater les dégâts et demander une trêve au roi d’Angleterre. Elle est conclue en décembre pour une durée de six mois.
À la fin de l’année 1159, Aliénor rejoint son époux. Pour Noël, ils tiennent ensemble leur cour à Falaise.
L’épilogue de l’affaire toulousaine se situe à la Pentecôte de l’année 1160. Les six mois de trêve sont passés, les deux rois se rencontrent à Chinon, en terre angevine, pour signer une paix qui revient, grosso modo, à rétablir la situation existante avant que les Plantagenêt ne lancent leur campagne pour s’emparer du comté de Toulouse. À quelques exceptions près toutefois ; il serait dommage d’avoir dépensé autant d’argent pour n’en rien retirer ! Henri et Aliénor conservent Cahors et les châteaux dont ils se sont emparés dans le Quercy et s’engagent « par amitié pour le roi de France » à observer une année de trêve avec Raimond de Saint-Gilles. En Normandie, les Plantagenêt restituent au roi de France Épemon, Rochefort et Montfort-l’Amaury, et s’engagent à démanteler les fortifications d’Étrepagny. Mais il faut bien une contrepartie et il va être à nouveau question du Vexin normand. Si le Capétien conserve en titre la « propriété » de la région, Henri obtient que le mariage d’Henri le Jeune et Marguerite pourra être célébré au bout de trois ans, même si la jeune fille n’a pas atteint l’âge nubile, voire encore plus tôt si l’Église donne son autorisation. En attendant, le roi de France confie les trois places fortes du Vexin à la garde de chevaliers de l’ordre du Temple ; leurs noms figurent au bas du traité : Eudes de Saint-Audemer, Gilbert de Lacy et Richard de Hastings qui tous les trois sont normands. Autant dire que Louis VII a d’ores et déjà perdu la maîtrise du Vexin.
Pour Henri et Aliénor, il s’agit là d’une toute petite victoire, presque un lot de consolation. Bien sûr ils veulent absolument ce Vexin qui autrefois appartenait aux Plantagenêt, mais ce n’était pas le but de la campagne de Toulouse. De ce côté, c’est un échec. La réputation d’Henri dans ce domaine est bien installée, et la rapidité avec laquelle il a fait rentrer Robert de Dreux dans le rang rappelle à ceux qui seraient tentés de l’oublier, qu’il n’a pas « perdu la main ». Les conséquences du recul devant Toulouse sont ailleurs. Celui qui en tire le plus de bénéfice est Louis VII. L’année 1159 marque le tournant de son règne. Il a trouvé son rôle. Cette doctrine de la pax regis qu’il avait développée presque par défaut, parce que ses moyens financiers ne lui permettaient pas d’imposer son pouvoir par la force, a trouvé à Toulouse l’éclatante confirmation de son efficacité. Désormais nul ne peut ignorer que le roi est réellement le garant de la paix du royaume. En se retirant, Henri II l’a admis officiellement, il ne pourra plus jamais revenir là-dessus. Et c’est un signal fort pour tous les autres grands féodaux.
Du côté d’Henri et d’Aliénor, cette année 1159 marque également une étape. À partir de là, ils ne chercheront plus à agrandir leur empire par de grandes opérations militaires de conquête. La Bretagne viendra s’y ajouter, mais par le jeu des alliances matrimoniales, selon une logique prévisible depuis longtemps et qui ne surprendra personne. Plus tard, Henri s’emparera de l’Irlande mais là aussi il s’agissait de la « chronique d’une conquête annoncée » depuis la bulle d’Adrien IV en 1155. Tout se passe comme si l’échec de la conquête du comté de Toulouse leur indiquait clairement qu’ils ne doivent pas poursuivre cette voie-là. Ce sont avant tout des diplomates et des administrateurs. Henri est un excellent militaire, un remarquable tacticien, mais ce n’est pas un conquérant. C’est sur l’administration de leurs territoires, la consolidation de leur pouvoir et la place de la dynastie des Plantagenêt dans le paysage politique de l’Occident de l’époque, qu’ils vont devoir désormais se concentrer.
Ils vont le faire ensemble pendant les cinq
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