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Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine

Titel: Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain-Gilles Minella
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s’attacher les membres de la noblesse. Louis XIV ne fera pas autre chose ! Henri II est un autocrate subtil et intelligent. Il sait également se « méfier » de lui-même et de son tempérament. Il est incontestablement le « maître », se revendique comme tel, mais c’est aussi un homme qui sait écouter. Il tient compte – du moins en apparence – des avis de ses conseillers et des membres de la cour. Une scène relatée dans la chronique du monastère de Battle est, à ce titre, révélatrice. Le père abbé présente au roi la charte de fondation de l’établissement et lui demande de signer un document confirmant cette charte. Aussitôt, Henri répond : « Je ne ferai rien sans un jugement de ma cour ! » L’abbé s’adresse alors au justicier du royaume, Richard de Lucé, qui développe, à l’attention du roi et des hommes de la cour présents, les arguments allant dans le sens de la demande de l’abbé. Ensuite, chacun donne son avis. Le roi écoute tout le monde et finalement ordonne de confirmer la charte de la fondation. Dans le Dialogue de l’Échiquier, on trouve également la mention suivante : « Les grands du royaume assistent plus familièrement le roi en privé, afin que ce qui aurait été décidé ou déterminé par de si hauts personnages perdure en droit inviolable. » Il semble donc que le roi écoute les avis de son conseil et suive ses décisions, c’est en tous les cas l’image qu’il souhaite donner. L’avantage en est de pouvoir partager la responsabilité et même, en cas d’échec probant, de pouvoir reporter la faute sur la cour. Mécanique finalement assez classique qui se pratique encore de nos jours !
    « Je parle de la cour, mais quant à savoir ce qu’est la cour… Là, seul Dieu sait ! » s’exclame Gautier Map. Le premier point sur lequel la cour d’Henri II fait montre d’originalité est sa composition. S’y mêlent à la fois de grands féodaux, des gens de petite noblesse, beaucoup de clercs – autrement dit d’intellectuels – dont certains, comme Thomas Becket, sont issus de la bourgeoisie. C’est cette présence des clercs à la cour, et surtout leur qualité, qui étonne, comme le remarque Martin Aurell : « La cour Plantagenêt impressionne le médiéviste en raison de la qualité de ses écrivains latins : Jean de Salisbury, Pierre de Blois, Giraud de Barri, Gautier Map, Amoul de Lisieux, Nigel de Longchamps dit Wireker, Gautier de Châtillon, Raoul le Noir… Ils ont, tous fait partie, à un titre ou à un autre, de la suite du roi d’Angleterre, et ils ont souvent profité de son patronage. Cette forme de concentration est exceptionnelle dans le panorama culturel du XIIe siècle. Elle répond aussi bien au programme royal d’instrumentalisation politique du savoir, qu’à la proximité des écoles cathédrales du nord de la France, les plus prestigieuses de l’époque {39}  » le roi a incontestablement la volonté d’utiliser pour gouverner ce qu’on appellerait aujourd’hui des « intellectuels » de son temps. De plus, il a les moyens de le faire, d’une part parce qu’il est riche, d’autre part parce que ces clercs sont formés à proximité de l’empire ou même dans les États de l’empire.
    Pour donner un aperçu de ce milieu intellectuel diffus et très présent, rappelons que l’un des professeurs reconnus du futur roi Henri II était Guillaume de Conches, réputé pour son enseignement de l’éthique politique de Sénèque ; le même Guillaume a été le maître de Jean de Salisbury qui lui vouait une admiration sans borne. C’est d’ailleurs Jean de Salisbury qui écrira le premier grand traité politique médiéval, le Policraticus, qui demeure intimement lié à la conception du pouvoir selon les Plantagenêt et illustre l’image du « prince idéal » telle qu’elle apparaît à cette période. Son œuvre est imprégnée des notions de vertu, d’honnêteté, puisées à la lecture de Cicéron, et il s’y fait jour « une idée morale du service de l’État, que seuls d’honnêtes hommes et de vertueux citoyens sauraient prendre en charge ». Ceci, encore une fois, nous montre la qualité des hommes qui entouraient Henri, et l’intelligence d’un homme utilisant une « bureaucratie » avant la lettre qui s’est mise au service de sa conception centralisatrice du pouvoir. Toutefois, les mêmes causes provoquant les mêmes effets, ces hommes qui participent un temps de

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