Amours Celtes sexe et magie
et ainsi de suite. Il est même prévu qu’au vingt et unième mariage ( sic ), le droit du père s’éteint complètement. Et lorsque le père est mort, c’est le frère, en principe l’aîné, qui a droit à la moitié de ce qu’aurait touché son père. Il faut remarquer que la multiplicité des mariages possibles, tout au moins pour la femme, indique suffisamment non seulement la fragilité de cette institution, mais aussi la liberté reconnue à la femme dans sa vie sentimentale – ou sexuelle.
Il faut également insister sur une chose très importante : en dépit de l’achat ( coibche ) effectué par le futur mari, la femme irlandaise n’entrait pas dans la famille du mari , et cela contrairement à la législation romaine passée dans les sociétés chrétiennes traditionnelles. La femme romaine, par coemptio , tombe in manu mariti , « dans la main du mari ». Elle appartient donc à la famille du mari et cesse d’être elle-même propriétaire. De même, chez les Germains, d’après ce que l’on en sait, la femme ne peut hériter, à cause du fameux privilège masculin qui conduira bientôt au droit d’aînesse féodal et surtout à la fameuse « loi salique » des Francs. La femme irlandaise continue à posséder ses propres biens. Mais si, en revanche, le mari est assassiné, ce qui peut toujours arriver, ce n’est pas elle qui reçoit la compensation due en réparation du meurtre, c’est la famille du mari. Si, après ce veuvage, elle se remarie, par contre, c’est avec sa propre famille qu’elle partage le nouveau coibche . C’est encore une fois l’affirmation légale de l’indépendance quasi complète de la femme mariée.
En fait, le droit que le mari a acquis au moyen du coibche concerne seulement celui d’user du corps de la femme et d’avoir d’elle des enfants qui perpétueront sa lignée. La femme, propriétaire de ses biens, ne peut conférer à son mari plus de droits qu’elle n’en a elle-même sur ces biens, en vertu du principe fondamental visible dans le contrat de cheptel, à savoir que le propriétaire réel est la famille, la fine , ou la tuath . C’est là qu’apparaît la singularité du droit irlandais, marqué par de nombreux archaïsmes parfois très surprenants, mais qui a toutes les chances de refléter les anciennes coutumes ancestrales du temps des migrations à travers l’Europe.
La femme irlandaise apporte dans le couple son douaire, tinnscra , qui est l’ensemble des cadeaux qui lui sont faits par ses parents. Mais ce douaire est sa propriété personnelle, car en cas de dissolution du mariage, par divorce ou par décès du conjoint, elle le reprend intégralement en même temps que sa propre liberté, en n’oubliant pas non plus les acquêts, ou la portion des acquêts fixée par la loi.
Au pays de Galles, la méthode suivie est la même. Le futur marié verse le prix d’achat de la femme, le gobyr , qui est le strict équivalent du coibche . La femme apporte sa dot, argweddy , qui lui est également personnelle. Mais le mari, ou la famille du mari, doit payer en outre le cowyll , c’est-à-dire le prix de la virginité. Il faut remarquer que ce cowyll est payé avant la première nuit, alors que chez les Romains et les Germains il n’était donné que le lendemain de la nuit de noces, d’où son nom technique (germanique) de morgengabe . Cela ne paraît qu’une simple nuance, un simple détail, mais en dit long sur le respect qu’avaient les Celtes de la femme et de la confiance qu’ils plaçaient en elle. Et l’on peut noter que le mot breton armoricain contemporain qui signifie « douaire » est enebarz . Ce mot se trouve au IX e siècle, dans le cartulaire de Redon, sous la forme archaïque enep-uuerth , qui est un terme juridique voulant dire « compensation », ou « prix de l’honneur », littéralement « prix du visage », comme son équivalent irlandais log-enech , ce qui renvoie à une vieille tradition concernant le visage qui peut blêmir sous les insultes, ou rougir sous la honte.
Chez les Gallois, en plus de sa dot, l’ argweddy , qu’elle apportait avec elle, la femme pouvait recevoir de sa famille des biens paraphernaux, argyfreu , ces biens qu’Ulpien disait être appelés peculium , autrement dit « pécule », chez les Gaulois. C’étaient les meubles, au sens juridique du terme, c’est-à-dire les objets précieux, ornements et bijoux, mais également les objets de cuisine ou à usage
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