Amours Celtes sexe et magie
armoricaine. Il n’a guère disparu que vers le X e siècle, où il a été remplacé par un contrat féodal très voisin de celui qui avait cours sur le continent.
Le cadre juridique
Toute société constituée a pour base la famille, isolée ou agglomérée en un ensemble plus vaste. Mais cette famille a elle-même une base, le couple, c’est-à-dire en premier lieu l’union sexuelle entre un homme et une femme. Et cette union, même si elle se présente chez les Celtes comme très libre et non entachée de désapprobation, est cependant codifiée selon des règles immuables, celles du mariage.
Il ressort de nombreux témoignages, en particulier de ceux des auteurs latins et grecs, contemporains des Gaulois et témoins de leur temps, que la femme, chez les Gaulois comme chez les autres peuples celtes, avait en principe le droit de choisir son mari, et mieux encore qu’elle ne pouvait être mariée sans son consentement, ce qui, comparée à la législation romaine, constituait une situation plutôt enviable. « Quand il y avait une fille à marier, raconte Fulgose, compilateur romain du Bas Empire, on organisait un grand festin auquel étaient conviés tous les jeunes gens. La fille choisissait elle-même, en offrant de l’eau pour laver les mains de celui qu’elle avait élu » (Livre II). Dans la tradition légendaire irlandaise, on pourra d’ailleurs s’apercevoir que ce choix de l’homme par la femme est un acte magique qui a une portée assez surprenante.
Mais ce choix fait par la fille ne veut pas dire que les parents soient absents à la conclusion du contrat de mariage. Si la cellule de base est la famille, il faut bien que cette famille entérine une situation qu’on pourrait croire individuelle. Quitter une famille, en cas de mariage, pour entrer dans une autre, est un acte trop grave pour que la collectivité s’en désintéresse. Il y a donc un « arrangement » entre les deux familles, et cela aboutira à un mariage qui sera exclusivement de régime dotal, quelle que soit la classe sociale à laquelle appartiennent les nouveaux époux. César nous dit : « Quand un homme veut épouser une femme, il doit payer une certaine somme ; mais, de son côté, la femme doit donner le même montant. Tous les ans, on fait le compte de la fortune des deux parties. On garde les fruits qui en procèdent, et c’est l’époux survivant qui jouira de la part qui était sienne, augmentée de tous les fruits du temps précédent » ( De Bello Gallico , I, 3).
Ce texte est très clair : chacun des deux époux doit apporter sa part. Mais en cas de disparition du mari, la femme n’hérite pas du défunt, elle reprend seulement sa part et y ajoute les fruits de la communauté. Il en est exactement de même pour l’homme qui devient veuf. Ce régime matrimonial ne présuppose en rien une communauté au sens juridique du terme, car aucune des législations où la dot coexiste avec une donation maritale n’admet la communauté. Cela fait apparaître que le mariage n’est certainement pas la conclusion d’une belle histoire d’amour, ou même d’une quelconque exaltation de la sexualité. C’est un acte proprement économique et social grâce auquel la société est assurée non seulement de sa continuité, mais de son existence elle-même.
Cependant, dans son essence, ce mariage consacre l’égalité entre l’épouse et son mari. Cela n’empêche pas César de soutenir que la femme reste soumise à son mari, aussi bien dans la vie quotidienne que dans la gestion des biens familiaux. Or, cela paraît contradictoire avec les affirmations du juriste romain du III e siècle, Ulpien, lequel précise qu’en plus de sa dot, la femme gauloise possède « ce que les Grecs appellent des biens paraphernaux et ce que les Gaulois nomment peculium ». Or, en allant plus avant dans cette étude et en pénétrant d’emblée chez les Irlandais, les Gallois et les Bretons, on s’aperçoit que la situation est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
En effet, l’homme qui, en Irlande, désire épouser une femme doit obligatoirement verser un « droit d’achat », le coibche , qui est destiné au père de la fiancée si celle-ci se marie pour la première fois. Mais si la fille se marie pour la seconde fois, le père ne reçoit que les deux tiers de la somme, le tiers restant allant à la fille. Et si la fille se marie pour la troisième fois, le père ne touche plus que la moitié,
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