Amy, ma fille
pour se présenter au rendez-vous. À la mi-mai, elle est retournée à la London Clinic parce qu’elle était en proie à de nombreux vomissements. Elle a mis ça sur le compte d’un virus qu’elle avait attrapé, mais je n’étais pas dupe.
— Je n’ai plus de patience avec toi, Amy. Quand tu te droguais, je ne pouvais pas te parler parce que tu planais, mais là tu es parfaitement en état de me comprendre. Je suis fatigué et écœuré de me demander chaque jour si tu seras ivre ou pas. Arrête de te mentir et de mentir à tout le monde. Il faut que tu écoutes les médecins.
Sur ce, je suis parti.
Un peu plus tard, elle m’a appelé pour s’excuser et comme elle était sobre, nous avons pu discuter raisonnablement de son problème. Pour moi, parler était devenu une perte de temps : elle avait atteint un point de non-retour.
Elle est restée hospitalisée une semaine et une fois rentrée chez elle, elle a recommencé à alterner les jours de beuverie et les jours d’abstinence. Je ne savais pas dans quel état j’allais la trouver en téléphonant. La présence de Reg semblait calmer sa consommation, mais dès qu’il s’absentait, elle reprenait de plus belle. Par ailleurs, j’avais appris que les alcooliques étaient des maîtres de l’illusion : ils pouvaient vous faire croire qu’ils étaient sobres ou beaucoup moins alcoolisés qu’ils ne l’étaient en réalité. Elle a continué à boire tous les jours jusqu’au 10 juin, date à laquelle elle a réintégré la London Clinic.
— Ils ont tamponné ta carte de fidélité, ma chérie ? lui ai-je demandé sur un ton sarcastique.
J’en avais ras le bol. Pour dire la vérité, j’étais en colère.
Chaque fois que je croyais qu’elle avait touché le fond, elle tombait un peu plus bas. C’était différent de l’époque où elle prenait des drogues dures. La drogue, c’est illégal, hors de prix, et cela nécessite un minimum d’intimité. L’alcool, elle pouvait en consommer en toute liberté, où et quand elle voulait, sans s’exposer à la critique. La situation s’aggravait et si elle ne faisait rien, l’alcool risquait de nous tuer tous les deux.
À sa sortie de la clinique, elle a tenu le coup pendant dix jours, mais je savais que la rechute nous guettait.
Le 20 juin, je donnais un concert au Pizza on the Park, l’un des hauts lieux du jazz londonien. J’ai eu l’honneur d’être le dernier à y chanter car, malheureusement, après trente ans de bons et loyaux services, le club a fermé ses portes. Ce soir-là, il était bondé. Beaucoup d’amis et de membres de la famille étaient venus, dont Amy et Reg. Amy était ravissante. À la fin, elle m’a rejoint sur scène et nous avons interprété trois duos, au grand bonheur du public. La soirée a été une vraie réussite et, cerise sur le gâteau, Amy n’a pas bu une seule goutte.
Le 1 er juillet, Amy, Jane, Reg et moi sommes allés voir Tony Bennett au Royal Albert Hall, à Knightsbridge. Après le concert, qui s’est avéré fantastique, nous sommes allés le féliciter en coulisses. C’était un grand artiste et un type adorable.
Le lendemain, Amy et moi sommes retournés l’écouter, cette fois au Roundhouse, à Camden Town. Nous en avions parlé la veille et il nous avait proposé de dîner ensemble à l’issue du concert. Je m’en faisais une joie. Comme nous devions y être pour vingt heures quarante-cinq, je suis passé prendre Amy chez elle à dix-neuf heures, afin de nous laisser de la marge. Elle m’avait juré de ne pas boire. Quand je suis arrivé, elle a fait un cirque pas possible et a mis un temps infini à se préparer. Ma patience atteignait vraiment ses limites. Finalement, nous avons quitté l’appartement à vingt et une heures quinze. J’étais sûr qu’elle avait bu.
Quand nous sommes arrivés au Roundhouse, le concert était déjà commencé si bien que nous avons dû déranger tout le monde pour nous installer. Comme si ça ne suffisait pas, Amy s’est mise à applaudir et à siffler. Je lui ai ordonné de se taire. C’était très gênant.
On a fini par trouver nos places, mais Amy ne s’est pas calmée, elle a continué d’applaudir et de siffler et s’est même levée en plein milieu d’une chanson.
— Assieds-toi et tiens-toi tranquille sinon je m’en vais, lui ai-je dit.
Elle n’en faisait qu’à sa tête, alors je suis parti.
— Tu gâches mon plaisir ! a-t-elle crié dans mon dos en attirant
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