Amy, ma fille
qu’elle avance au jour le jour en résistant aux tentations. J’avais rencontré quelqu’un aux Alcooliques Anonymes qui s’était présenté comme alcoolique alors qu’il n’avait pas bu une goutte depuis trente ans.
— C’est quelque chose que tu devras surveiller toute ta vie, Amy.
— Tu te fais trop de soucis, papa. Ça ira.
Début octobre, j’ai donné un nouveau concert dans un club de la ville. Amy avait envie d’assister à la répétition. Quand je suis venu la chercher, elle était ivre et n’avait pas dormi. Elle a tenu à m’accompagner malgré tout et je ne m’y suis pas opposé. Après la répétition, elle est restée voir le concert. Pendant ma première chanson, elle a grimpé sur scène et s’est plantée à côté de moi. Après avoir chanté cinq morceaux, je lui ai cédé la place pour deux chansons, qui ont été un succès. Une fois le concert terminé, je lui ai reproché son attitude mais elle n’a pas compris pourquoi ; elle disait qu’elle était montée sur scène pour m’encourager. Moi, j’avais trouvé ça un peu déstabilisant de l’avoir près de moi pendant que je chantais. Si elle avait été sobre, elle n’aurait jamais agi de la sorte. Ce n’était pas professionnel.
Le mois suivant, j’ai quitté Londres pour donner quelques concerts. Pendant mon absence, Amy n’a pas bu et chacune de nos conversations me redonnait espoir. Elle semblait décidée à vaincre son alcoolisme, qu’elle appelait désormais par son nom. Une étape capitale de la guérison était franchie. J’étais fier d’elle. C’était dur, mais elle progressait, à son rythme.
À mon retour, elle est partie à La Barbade travailler avec Salaam Remi. Elle a alterné les bons et les mauvais jours, buvant mais sans se saouler au point d’insulter des inconnus.
Ensuite, elle s’est envolée pour Sainte-Lucie où elle a recommencé à boire de façon excessive. Quand elle m’a appelé le 4 décembre pour mon anniversaire, elle paraissait sobre, alors j’en ai profité pour lui demander où elle en était avec la boisson.
— Je fais de mon mieux, papa. Certains jours, c’est tellement dur…
Il y a eu un long silence. Sachant que si nous nous embarquions dans cette conversation, nous finirions tous les deux en larmes, j’ai changé de sujet. Nous avons parlé des travaux dans sa maison de Camden Square, de ses nouveaux enregistrements, de mes concerts, ses piqûres de moustique, la cicatrice de mon opération, Alex et Riva, Reg, Jane et un million d’autres choses encore. Nous sommes restés au téléphone pendant presque deux heures, ce qui était pour moi le plus beau des cadeaux d’anniversaire. Elle a failli craquer à un moment, mais s’est ressaisie.
Une semaine plus tard, elle est rentrée chez elle et n’a pas ralenti sa consommation. Je lui ai interdit d’assister à la soirée de mes soixante ans parce qu’elle avait bu durant la journée. Quand je suis allé la voir, nous nous sommes violemment disputés. Il était dix heures du matin et elle était déjà ivre. Je lui ai rappelé qu’elle s’envolait le lendemain pour un concert en Russie et qu’elle ne pourrait pas prendre l’avion dans cet état-là. Je suis repassé à Bryanston Square plus tard dans la journée : elle était tellement saoule qu’elle ne pouvait pas articuler un mot. J’ai appelé le docteur Romete qui, après l’avoir examinée, m’a recommandé de l’emmener à l’hôpital. Je me suis exécuté. Ils ne l’ont pas admise et, au bout de trois heures, je l’ai ramenée chez elle. Elle avait eu le temps de dessaouler et était décidée à maintenir son voyage en Russie.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle a bel et bien pris l’avion et, deux jours après, Raye m’a dit que le concert s’était très bien passé et qu’elle avait été « tout bonnement géniale ». Elle a réussi à contrôler sa consommation d’alcool, bien qu’évidemment, là-bas, tout le monde lui ait proposé de la vodka. Quand je lui ai parlé, elle était très fatiguée physiquement mais absolument ravie de ce voyage.
À leur retour, j’ai eu une discussion avec Raye. Nous étions contents qu’elle ait réussi à ne pas boire avant de monter sur scène, contrairement à son habitude. Le live tenait une place importante dans sa carrière, et c’était capital qu’elle puisse l’affronter sans l’alcool.
Le jour de Noël, en allant déjeuner chez la mère de Jane, nous
Weitere Kostenlose Bücher