Antidote à l'avarice
de toute émotion, de tout préjugé.
Avant longtemps, la majesté rocheuse d’Hostalric se dressa devant eux. C’était jour de marché, et la ville grouillait de marchands et de chalands. Les tavernes résonnaient des rires des buveurs et il régnait partout une plaisante atmosphère. Des odeurs de cuisine flottaient dans l’air. Les enfants jouaient dans les rues. Et les voyageurs retrouvaient leur belle humeur.
Le lendemain matin, Berenguer prit place à côté du médecin alors qu’il déjeunait en compagnie de sa famille.
— J’ai reçu un message de votre patient. Il écrit qu’il est parti avec des amis et nous dit adieu pour le moment. Il explique qu’il lui faut faire une chose qu’il ne peut laisser à autrui.
— Ainsi Don Gilabert nous a quittés ? dit Isaac. Je suis étonné qu’il soit resté aussi longtemps avec nous. Une mission semblait occuper ses pensées, mais il voulait aussi vivre assez longtemps pour la mener à bien.
— Apparemment, il a pris son cheval à l’aube, toujours déguisé en religieux, avant d’être rejoint par une paire de moines gris. Le garçon d’écurie les a suivis dans la rue et les a vus démarrer au grand galop. Maître Isaac, j’ai beaucoup réfléchi aux arguments que vous avez avancés hier, et je suis au désespoir de n’avoir pu aider Don Gilabert.
— En quoi vouliez-vous lui venir en aide ? le questionna Isaac.
— Je pense que nous devons croire qu’il est le neveu de l’histoire que raconte votre parent – celui qui a été harcelé et persécuté par les tribunaux ecclésiastiques. Nous en avons eu suffisamment la preuve à Tarragone.
— Je serais d’accord avec Votre Excellence. Il ne peut y avoir deux jeunes gens dont l’histoire soit aussi semblable.
— Si tous ses ennuis étaient survenus dans mon diocèse, maître Isaac, il aurait été possible de prévenir bon nombre de ses souffrances. Mais pour découvrir aujourd’hui ce qui s’est passé et qui était le responsable…
— Avez-vous changé d’avis à propos de Don Gonsalvo, Votre Excellence ? Vous ne croyez plus qu’il est à l’origine des malheurs de notre jeune ami ? Don Gilabert serait de votre avis, me semble-t-il.
— Pour certains, si, maître Isaac. Mais je n’arrive pas à imaginer qu’une personne uniquement poussée par la bêtise et la cupidité puisse provoquer de tels dégâts.
— La rapacité a pourtant sapé des empires, Votre Excellence.
— C’est vrai, maître Isaac. Quand elle se combine à la ruse. Mais soumettre de fausses accusations à un tribunal ecclésiastique, voilà qui me semble trop compliqué pour votre coquin. Si nous voulons découvrir pourquoi l’on poursuit Don Gilabert, je crains qu’il ne nous faille retourner à la finca de Vilafranca. Et j’en ai assez de voyager.
— Gilabert va à Gérone, Votre Excellence ?
Berenguer ne répondit pas tout de suite.
— C’est ce qu’il a dit. Il doit y régler des affaires.
— Avez-vous songé, Votre Excellence, que le frère Norbert a été tué le jour de notre départ ? Et que Don Gilabert a été capturé ce même jour ? Tous deux près de la ville ? Cela fait beaucoup de choses qui surviennent près de Gérone. Dès l’instant où vous n’y êtes plus.
— Laisseriez-vous entendre que c’est à Gérone que l’on trouvera la solution aux problèmes de Don Gilabert ?
— C’est fort possible, Votre Excellence. Son ennemi semble entretenir de solides rapports avec cette ville ainsi qu’avec le Sud. Si l’on pouvait mettre la main sur un tel homme…
— Et comment m’y prendrais-je ? Je ferais afficher une proclamation disant que quiconque a de la famille ou mène ses affaires dans la partie méridionale du diocèse de Barcelone doit se livrer sur l’heure ? Les chanoines seraient convaincus que je suis devenu fou.
— Nul doute, Votre Excellence. Cela ne signifie pas pour autant que vous devez écarter cette possibilité, ajouta Isaac avec sérieux. Mais j’ai une meilleure idée à vous proposer.
— J’aimerais l’entendre, fit l’évêque.
— Envoyez à Gérone un messager digne de confiance afin qu’il y annonce notre arrivée demain à la première heure.
— Demain ?
— Oui, Votre Excellence. Il lui faudra ensuite faire courir les rumeurs que voici…
CHAPITRE III
Gérone
Galceran de Monteterno accueillit son neveu sur les marches du palais épiscopal en le serrant chaleureusement contre
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