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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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surtout, elle avait fait de son mieux pour ne pas penser à ce mot, « mariage ». Ses yeux se posèrent sur Dolsa, qui s’occupait si bien des malheureux jumeaux, et elle rougit de honte et de remords : de tout son cœur, elle aurait souhaité quitter sur-le-champ cette ville et ne plus jamais y revenir.
     
    Dans le palais de l’évêque, Isaac s’était enfermé avec Berenguer pour examiner le genou gonflé et douloureux de Son Excellence.
    — Cela devrait aller mieux au fil des heures, déclara le médecin. Yusuf prépare un breuvage qui réduira la douleur et l’enflure, n’est-ce pas, Yusuf ?
    Son apprenti était un Maure de Grenade, vif et intelligent, mais âgé de treize ans seulement et inexpérimenté.
    — Oui, seigneur, murmura l’enfant. Il est presque prêt. Pour le moment, il est encore trop chaud pour qu’on puisse le boire.
    — Avant que de rejoindre les autres, reprit Isaac, j’aimerais exprimer la gêne que j’éprouve à encombrer Son Excellence de mon épouse et de mes serviteurs. Je suis parfaitement conscient que cela nous ralentira.
    — N’y songez pas, maître Isaac ! Dès l’instant où j’ai reçu ce mot de l’archevêque me demandant d’amener ces sœurs avec moi, j’ai compris que notre voyage était condamné à la lenteur. Votre femme ne nous retardera pas d’une seconde, je puis vous l’assurer. Quant à votre excellente fille, elle pourrait être d’un grand secours si quelqu’un venait à tomber malade.
    — Dès que Judith a appris que l’abbesse et deux de ses religieuses voyageraient avec vous, elle n’a eu de cesse que vous ne lui donniez la permission de nous accompagner.
    — J’espère qu’elle apprécie leur société, Isaac, car elle devra passer bien des nuits avec elles, j’en ai peur.
    Sur ce, l’évêque éclata de rire, but l’infusion que lui avait préparée Yusuf, appela Francesc et Bernat, puis tous les cinq sortirent de la pièce pour se joindre aux autres.
     
    Les palefreniers amenèrent les montures destinées aux gens de la cathédrale ainsi qu’à la famille du médecin, Judith se hissa avec maladresse sur sa mule ; Raquel retroussa ses jupes et lança l’une de ses longues jambes pour enfourcher sa bête avec plus de détermination que d’expérience. Isaac monta sans peine sur la sienne. Yusuf devrait marcher, et il regardait avec envie l’élégant cheval blanc du capitaine. S’apitoyant un instant sur son sort, il songea que, si son père était encore vivant, il serait lui aussi à cheval, et sa monture serait encore meilleure que celle du capitaine.
    Un fracas de sabots annonça que le dernier groupe était arrivé. L’abbesse de Sant Daniel était suivie de deux religieuses et d’un prêtre et accompagnée de deux membres de la garde épiscopale. Dame Elicsenda salua Berenguer avant de tirer son voile devant son visage. Sor Agnete ignora le prélat et enfonça ses talons dans les flancs de sa mule. Surpris, l’animal se mit au trot. Les deux gardes, chargés de veiller à ce que Sor Agnete rejoigne Tarragone pour y être jugée, éperonnèrent leurs montures et vinrent à sa hauteur. Bon gré mal gré, la procession se mettait en route.
    La mule d’Isaac prit conscience de l’activité générale et partit au trot. Chargé de mener la monture de son maître aveugle, Ibrahim fut pris de panique et tira avec rudesse sur les rênes. L’animal s’arrêta aussi brusquement qu’il était parti. Puis il le fit à nouveau aller de l’avant.
    — Doucement, Ibrahim, dit le médecin. C’est une mule, qui éprouve des sensations, pas une charrette embourbée.
    — Oui, maître, se renfrogna Ibrahim.
    — Quelle était la cause de tout ceci ?
    — C’est Sor Agnete, papa, intervint Raquel. Elle a lancé un regard mauvais à l’évêque avant d’éperonner sa mule.
    — Voilà un voyage qui devrait se révéler fort intéressant, murmura son père.
     
    Une heure plus tard, alors que le soleil d’avril était déjà assez haut pour chasser la fraîcheur de l’air, une fillette de huit ans qui portait une cruche de terre quittait le pré de Sant Feliu pour aller chercher de l’eau à la rivière. Elle flânait, toute à sa rêverie, quand elle entendit une sorte de gémissement sourd en provenance des hautes herbes qui bordaient le chemin. Elle s’immobilisa et serra sa cruche dans ses bras, luttant contre son instinct premier, qui était de s’enfuir. Déjà, dans sa courte vie, elle avait appris

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