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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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cruche.
    — Holà, señor ! l’interpella-t-elle. Vous êtes malade ? Vous n’êtes pas comme d’habitude.
    Il leva la tête et la regarda sans la voir.
    Elle plaqua la main sur son front et sur sa joue. Ils étaient brûlants. Sans hésitation, elle écarta sa tunique et chercha des marques et des rougeurs sur son cou. Il n’y en avait aucune. Il se tenait le ventre d’une main et secouait la tête sans dire un mot.
    — Ici, Johan ! lança-t-elle à un gros homme assis non loin de là. Le messager a attrapé du mal. Toi et Pau, aidez-le à monter dans la chambre en haut de l’escalier. Vite.
    Elle les regarda faire puis alla chercher son mari.
    — Le messager ne va pas bien. Je vais m’occuper de lui.
    — Mais…
    — Tu veux qu’il meure ici ? Ça ne sera pas très bon pour nos affaires, tu ne crois pas ? Et puis ça a toujours été un gentilhomme bien aimable, qui paie sans jamais se plaindre. Je ferai de mon mieux pour lui venir en aide.
    Sur ce, elle prit de l’eau, des serviettes et de l’eau-de-vie, ordonna à la fille de cuisine de monter du bouillon, se saisit d’une lanterne et de bougies, puis grimpa hardiment l’escalier.
    La douleur diminuait, mais la fièvre augmentait. La femme de l’aubergiste faisait ce qu’elle pouvait, mais linges frais, eau-de-vie et bouillon ne lui étaient pas d’un grand secours. Un temps, l’homme parut plonger dans le sommeil, puis il ouvrit tout grands les yeux et cligna des paupières.
    — Allez chercher un prêtre, dit-il. Pour l’amour de Dieu, ma brave femme, un prêtre. J’ai de l’argent…
    — Gardez-le, je ne prends pas d’argent pour ça.
    Elle entretenait quelques superstitions, peu nombreuses il est vrai, mais c’était justement l’une d’elles. Accepter l’argent d’un mourant pour lui amener un prêtre ne pouvait qu’apporter les pires maux. De plus, il n’était pas difficile d’en dénicher un.
    — Il y a un moine ici même, dit-elle. Mieux vaut que j’aille le chercher tant qu’il tient encore debout et qu’il comprend ce que vous lui dites.
    Elle arriva juste à temps. Le frère levait son quatrième gobelet de vin et s’apprêtait à l’engloutir pour trouver l’oubli quand elle le lui arracha de la main.
    — Mon père, il y a là-haut un mourant qui réclame un prêtre.
    Il la regarda, l’air un peu contrarié, mais, en dépit de son ivresse, il se leva, chassa la poussière de sa robe grise et se ressaisit.
    — Conduisez-moi jusqu’à lui, dit-il avec une certaine dignité.
     
    Il se lava les mains et le visage dans l’eau froide, les sécha et s’assit près du lit afin d’apporter aide et consolation au mourant. Celui-ci oscillait entre délire et lucidité, l’esprit parfaitement clair puis, l’instant suivant, incapable de dire où il se trouvait et pourquoi il était là. La femme de l’aubergiste se retira dans un coin de la pièce – compromis entre la disponibilité et l’indiscrétion – et s’assit, heureuse d’échapper un moment au travail.
    Le dialogue murmuré entre les deux hommes dura quelque temps, et la femme commençait à somnoler quand Norbert l’interpella.
    — Laissez-nous un instant, ma brave femme.
    Quand la pièce fut vide, le mourant parla d’une voix très faible.
    — Tout homme peut entendre mes péchés… je m’en moque… mais il y a autre chose…
    — Quelque chose de pire ? demanda doucement le moine.
    — Non. Une mission. Une mission solennelle, mon père. Approchez-vous… tout près…
    Norbert se pencha donc pour que son oreille fût tout près de la bouche du messager.
    Quand le frère rappela la femme, l’homme semblait sur le point de rendre son dernier souffle. Le frère se leva, mais l’autre l’agrippa par la manche.
    — Jurez que vous le lui porterez, mon père. Vous pouvez prendre mon cheval. C’est la petite jument grise.
    Le visage du moine, encore rougi par le vin, pâlit jusqu’à avoir le même teint que l’agonisant.
    — Jurez.
    — Je le jure, dit-il en hésitant.
    — Priez pour moi.
    Le moine retomba lourdement sur la chaise et posa une main sur la poitrine de l’homme.
     
    Alors que tout le monde était rentré chez soi et que le reste des voyageurs dormait censément dans leur lit, le frère Norbert se trouvait au rez-de-chaussée, non loin du feu mourant et devant une chandelle. Il sortit de son sac du papier, une plume et de l’encre et se mit à écrire d’une main bien assurée, assez

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