Apocalypse
du dessin.
— C’est difficile. Une autre expression, je crois :
Liber… Judae… caput.
De Perenna s’était levé et ne tenait plus en place.
— La tête de Judas, le Livre… Il n’y a qu’un seul endroit où sont réunis tous ces symboles. Vous savez où ?
— Dans l’église Marie-Madeleine, confirma Cécile, ici, à Rennes.
— J’ai un double des clés confiées par la mairie. Elles vont servir. On y va tout de suite.
Avant même que ses invités ne puissent répondre, le marquis avait traversé le salon et descendait les escaliers. Cécile et Antoine lui emboîtèrent le pas. Dans la rue, l’aristocrate avait retrouvé une seconde jeunesse et marchait à vive allure.
— Mes amis. Cela fait plus de vingt ans que je me suis engouffré dans cette quête sans fin. Et voilà qu’un signe apparaît enfin.
Ils prirent une petite rue sur leur droite et débouchèrent sur une minuscule place où se dressait l’église. Antoine repéra aussitôt le corbeau posé en haut du fronton. Immobile, on aurait pu croire qu’il était soudé à la pierre. Un jardin arboré jouxtait la façade qui donnait sur la placette où se dressait un monument de pierre. Le style n’avait rien de remarquable, le porche d’entrée se terminait en haut par une petite toiture en triangle. Le marquis s’avança vers la porte. Des touristes entraient et sortaient, mitraillant la façade. De Perenna brandit une clé ouvragée.
— Mesdames et messieurs, nous fermons l’église une petite heure pour assurer son nettoyage. Si vous voulez bien sortir. Vous pourrez revenir plus tard.
Tout en souriant aux touristes, il se pencha vers Marcas :
— Je vous conseille de lire l’inscription gravée en haut du fronton.
Antoine et Cécile levèrent la tête.
Terribilis est locus iste , déchiffrèrent-ils.
De Perenna haussa la voix : ses paroles résonnaient sous le porche.
— Ce lieu est terrible, c’est la maison de Dieu, la porte des cieux . Un passage tiré de la Bible, de la Genèse plus précisément, verset 17.
— Pas très catholique, il voulait dissuader ses ouailles de venir à la messe ? demanda Cécile.
— On n’a jamais su. De toute façon, cette église est truffée d’anomalies volontaires : elle fait partie intégrante du mystère.
Des coups de tonnerre résonnèrent dans le lointain. Un vent frais venait de se lever. Le corbeau s’envola du pignon.
Sitôt entré dans l’église, le marquis enclencha sans hésiter l’antique clé noire dans la serrure. Un craquement sinistre fit vibrer la lourde porte qui se referma sous la force de son poids. Il appuya sur un bouton-poussoir et la minuterie électrique se déclencha, illuminant l’intérieur de l’église.
— C’est étrange, murmura Antoine en découvrant la décoration, vaguement mal à l’aise.
Des statues en plâtre, colorées de manière criarde, étaient disposées un peu partout contre les murs, eux-mêmes recouverts de petits tableaux représentant le Chemin de croix. Marcas se figea devant le bénitier sur la gauche. La vasque était bien soutenue par un diable grimaçant, les yeux exorbités, le corps difforme à moitié nu. Le regard fou, le démon fixait le sol.
— Selon la légende, il s’agit d’Asmodée, gardien du trésor du Temple de Salomon, dit le marquis. Quant à la tête, elle vient d’être refaite, des fanatiques ont décapité la précédente.
De Perenna remonta la nef et se dirigea sans hésiter vers l’autel, au bout de l’église. Il se pencha sur un bas-relief éclairé à la verticale.
— Approchez-vous et contemplez.
À genoux, Marie Madeleine priait dans une grotte. À côté d’elle étaient posés un crâne et un livre ouvert. En arrière-plan, dans l’ouverture de la caverne se dessinait un décor de montagne surmonté d’une chapelle en ruine.
Église de Rennes-le-Château. Bas-relief de l’autel.
— La sainte, le livre et la tête de mort. Liber… Judae… caput , répéta le marquis d’un ton sentencieux. Nous y voilà.
Il prit la reproduction du dessin et la posa à côté d’un spot lumineux.
Cécile éprouvait une sensation singulière. Comme un souvenir, une coïncidence qui s’imposait à son esprit. Elle leva la tête vers le plafond, fronça les sourcils puis regarda le sol. Le livre, la tête de mort . Non, ce n’était pas possible ! Elle était victime d’une hallucination !
— Comment est orientée cette église ?
Weitere Kostenlose Bücher