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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Eric Giacometti
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que les événements politiques ne cessaient de s’accélérer. À chaque tenue, les discussions se faisaient de plus en plus vives entre les frères, encore partisans d’une royauté constitutionnelle et ceux d’une république de plus en plus égalitaire. Toute la maçonnerie menaçait de s’effondrer, minée par la division. Sans compter qu’en Angleterre les aristocrates en exil publiaient d’infâmes pamphlets qui dénonçaient les maçons comme les instigateurs occultes de la Révolution. Quant aux sans-culottes, ils réclamaient ouvertement la dissolution des loges soupçonnées de tiédeur révolutionnaire.
    Le marquis se rapprocha de son compagnon :
    — Dites-moi, mon frère, vous connaissez la raison de cette réunion exceptionnelle ? D’habitude…
    Voyron ralentit le pas de son cheval.
    — Vous avez entendu le discours de Danton ? Vous savez ce que ça signifie ?
    D’un geste rapide, le journaliste indiqua l’est de Paris. Chefdebien pâlit. C’est là, dans l’ancien enclos du Temple, que depuis le mois d’août était enfermé le roi Louis XVI.
    — Jamais ils n’oseront… commença le marquis.
    — Vous croyez ? Regardez !
    Ils venaient d’arriver devant l’église Saint-Germain. La place était noire de monde. Une foule agitée martelait le pavé en hurlant. Dans la rue principale un convoi protégé par quelques cavaliers en uniforme tentait de se frayer un passage. C’étaient des charrettes bâchées qui se dirigeaient vers la prison de l’Abbaye. C’était là qu’on entassait les suspects en attente de jugement.
    Le convoi n’avançait plus. Tout autour la clameur augmentait. Une femme aux cheveux défaits tira sur une des bâches qui résista. Elle s’acharna, et le drap se déchira, découvrant, recroquevillés et enchaînés, des prisonniers aux vêtements en loques, aux visages terrifiés.
    — Des ennemis de la nation ! lança une voix anonyme.
    — Vengeance ! hurla la foule.
    Le marquis de Chefdebien allait éperonner son cheval pour fendre le peuple en folie, mais Voyron le retint.
    — C’est trop tard ! Vous voulez vous faire tuer ?
     
    Déjà les autres charrettes étaient découvertes. Des dizaines de mains avides empoignaient les prisonniers et les faisaient rouler sur le pavé. Un des cavaliers de l’escorte tira en l’air. Une pique le déchira au bas-ventre, il resta un instant en selle, à contempler ses viscères béantes, avant de s’effondrer et d’être piétiné par la foule. Plusieurs prisonniers n’étaient déjà plus que des amas sanglants. Un suspect qui s’accrochait désespérément à l’arceau de la charrette poussa un cri de bête sauvage : un sabre venait de lui trancher la main. Rampant au sol, un prisonnier tentait d’échapper à la folie populaire, une masse lui brisa les deux jambes tandis qu’à coups de sabots rougis de sang, des femmes hystériques lui brisaient le crâne.
    — Descendez de cheval, hurla Voyron, descendez, nom de Dieu, ils vont nous massacrer !
    Chefdebien sauta de sa monture et se colla contre la grille de l’église. Un blessé roula sur le pavé. Deux hommes se précipitèrent sur lui, une hache à la main. Le premier coup entailla l’épaule jusqu’à l’os, le deuxième traça un chemin de sang à travers son visage. Le blessé n’était plus qu’un long hurlement. Le dernier coup de hache lui trancha la gorge, mais buta sur les cervicales. Un des hommes se pencha : d’un coup de couteau, il décolla les vertèbres et trancha dans le vif de la moelle épinière.
    La tête martyrisée rebondit sur le pavé. Une pique l’enfourcha en plein front et la leva au ciel. La foule hurla de joie.
    Voyron poussa son frère le long de la grille.
    — Mais ne restez pas là ! Courez ! Bon sang ! Courez !
    Chefdebien se précipita. Une main lui arracha sa cape, une autre fit voler son chapeau. Une odeur de sang montait du pavé. Devant lui une femme, corsage ouvert, criait des obscénités. Le rire aux lèvres, elle montrait ses seins nus à un corps tressautant que la foule venait d’empaler sur la grille. Chefdebien se retourna pour appeler Voyron.
    Un cri le glaça :
    — Un aristocrate ! Mort au traître !
    D’un coup de canne, le journaliste tenta de se dégager de la meute qui le cernait. Tout autour de lui, des visages ivres de colère hurlaient à la mort. Des mains, rouges de sang, commencèrent à frapper. Dans un dernier sursaut, Voyron se retourna et agrippa les

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