Apocalypse
contempler la médiocrité, lâcha-t-il.
Elle le gifla à toute volée.
— Profite bien de tes derniers instants. Je m’occuperai de toi personnellement, dit-elle.
Il détourna la tête et vit une jambe pendre du boyau. Il tendit les bras pour aider Cécile puis de Perenna. Tristan atterrit sur le sol avec la souplesse d’un félin, suivi d’Otto.
Les torches balayèrent l’espace dans lequel ils se trouvaient. Les murs de pierre étaient séparés par des murets à mi-hauteur qui formaient des box de chaque côté. Au centre coulait une rigole qui se perdait dans l’obscurité. Des anneaux de fer rouillés pendaient à intervalles réguliers.
— Astucieux, dit Tristan. Ce sont les anciennes écuries souterraines, ça permettait aux moines de cacher les chevaux et les bêtes aux pillards qui rasaient la région. Continuons.
L’extrémité de l’écurie, dans sa partie haute, finissait par un éboulement où l’on devinait des pierres taillées.
— Sans doute la sortie de l’écurie vers l’extérieur, conclut Kyria. On rebrousse chemin.
Ils marchèrent en sens inverse en suivant la montée qui devait conduire à l’entrée communiquant avec l’extérieur. Tristan qui menait le groupe poussa du pied une porte de bois vermoulue qui tomba à terre.
Le tueur ne put s’empêcher de pousser un cri de surprise.
Le faisceau de la lampe illuminait une grotte remplie de stalactites qui pendaient par milliers. Un léger courant d’air frais balayait l’espace, se faufilait entre les larmes de pierre naturelle, s’infiltrait dans le moindre recoin. Une cathédrale naturelle dont les parois prenaient des incurvations baroques. Les ombres des coulées de roche dansaient sous la lumière de la torche.
Cécile soutenait le marquis par le bras.
— C’est magnifique, elle est intacte, préservée de toute intrusion humaine depuis des siècles, murmura l’érudit.
Sur leur gauche, un chemin avait été taillé dans la roche et continuait de monter. Sur leur droite, un autre, plus étroit, courait sur une dizaine de mètres et donnait sur une ouverture en forme d’ogive, avec un petit toit triangulaire à son sommet.
Tristan braqua sa lampe sur l’ouverture et s’avança, suivi par le petit groupe. Les détails apparaissaient dans la lumière froide. Des motifs sculptés étaient taillés dans la roche autour du porche fermé par une porte en bois massif. Une inscription était gravée en haut du fronton.
Le marquis se précipita.
— C’est pas possible. Mon Dieu !
— Qu’est-ce que t’as, le vieux ? lança Kyria.
— Lisez ce qui est écrit au-dessus du porche, jeune imbécile, cria l’érudit d’un air de défi.
Le groupe se massa devant l’entrée et leva les yeux vers les caractères gravés. Ils disaient :
Terribilis est locus iste.
Cécile traduisit aussitôt :
— « Ce lieu est vraiment terrible. »
57
Carcassonne
Évêché
12 novembre 1892
M gr Billard fit signe à son secrétaire de laisser entrer le visiteur.
Depuis sa nomination à la tête du diocèse de Carcassonne, il avait à cœur de recevoir toutes les personnalités de la région et particulièrement les grandes familles aristocratiques. En ces temps où l’Église était sans cesse attaquée par les républicains, il était bon de cultiver des relations dans la noblesse locale, et le marquis de Chefdebien en était l’un des plus éminents représentants, doublé d’un donateur prodigue. Nombre d’églises dans le diocèse n’avaient pu être restaurées que grâce à sa générosité. Une tradition familiale, d’ailleurs. Depuis un siècle, les Chefdebien œuvraient, de père en fils, pour rénover les sanctuaires du Razès.
Le marquis entra. La stature haute, la démarche assurée, il portait sa cinquantaine avec grâce.
D’un geste de la main, le prélat invita son hôte à prendre place près de la cheminée. Un feu de sarments crépitait dans l’âtre, qui faisait danser des ombres rougeoyantes sur les tapisseries des murs.
— Alors, monsieur le marquis, que me vaut le plaisir de votre visite ? L’automne n’est guère une saison pour quitter votre palais de Narbonne et venir nous rendre visite. Les routes sont longues et difficiles.
Le marquis inclina la tête en signe de remerciement et se cala dans son fauteuil.
— Monseigneur, dit-il d’une voix douce, c’est toujours un honneur de vous voir et une joie que de vous parler. Si, pour cela, il faut
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