Apocalypse
réserves de l’État et s’est discrètement évaporé après la chute du communisme. Deparovitch est un ancien conservateur des musées russes, doté d’un sens commercial très développé.
Marcas remplissait son carnet de notes. Il jubilait. Tout d’un coup Della Rocca paraissait une proie bien maigre à côté de ce trafiquant russe.
— Vous pouvez me fournir des bordereaux de réception d’envois de ce Deparovitch ?
— Allons, commissaire, vous me voyez vous confier de tels documents ? De telles preuves me feraient plonger une fois de plus ! répondit l’antiquaire.
Antoine croisa les bras et se balança sur sa chaise.
— J’ai besoin d’éléments matériels pour convaincre mes collègues israéliens. Je vous l’ai déjà dit : vous ne serez pas inquiété.
Le policier sortit de la poche de sa veste une liasse de papiers, qu’il exhiba sous le nez de Della Rocca.
— Ceci est le compte rendu de votre arrestation d’hier.
D’un geste sec, il déchira le procès-verbal et éparpilla les morceaux sur le bureau.
— Satisfait ?
L’avocat murmura à l’oreille de son client. Celui-ci se mâcha les lèvres un instant puis lâcha :
— D’accord. Je ferai parvenir à M e Lieberman les avis de réception des colis expédiés par l’entreprise Deparovitch. Bien sûr, ils ne font mention que de produits ou d’instruments nécessaires à la restauration d’œuvres d’art…
Tassard intervint :
— On s’en doute, mais cela devrait suffire pour lancer une enquête préliminaire en Israël. Les autorités sont de plus en plus inquiètes de la montée en puissance des mafias russes. Elles ont besoin de résultats.
— Il me reste aussi un autre dessin de Teniers : une esquisse d’un saint Antoine, inscrite dans la liste des pièces volées. Je ne dirai rien de plus.
L’antiquaire s’était levé. L’avocat, lui, resta assis. Ce qu’il avait appris avait figé son visage. Il finit néanmoins par prendre la parole :
— Mon client est-il libre ?
— Oui. Il peut récupérer ses affaires. Quelqu’un va l’accompagner. On peut même lui commander un taxi, à moins qu’il ne parte avec vous ?
— Vous venez avec moi, maître ? demanda Della Rocca d’une voix enjouée.
Lieberman secoua la tête et se tourna vers son client.
— Non. Je dois rester avec ces messieurs pour régler les derniers détails.
Le ton était froid, expéditif.
— Je tâcherai de vous voir demain.
Marcas prit le téléphone et appela la ligne intérieure.
— Envoyez-moi quelqu’un pour que notre hôte reprenne ses affaires.
Il indiqua la porte du doigt, sans se lever.
— Passez dans le couloir, on viendra vous chercher. Je ne vous salue pas.
L’antiquaire ne répondit pas et sortit de la pièce sans se retourner. Marcas et l’avocat restèrent seuls, face à face. Lieberman se cala sur la chaise.
— Je sais ce que vous pensez, commissaire… Comment je fais pour ne pas envoyer mon poing à la figure de cette ordure de trafiquant d’œuvres volées à… des Juifs massacrés par les nazis ?
— Je ne porte pas de jugement de valeur. Vous ignoriez tout de la vraie nature de votre client. Croyez-moi, je ne me sens pas non plus très propre de relâcher ce salaud dans la nature.
L’avocat sortit une cigarette d’un étui.
— Je peux ?
— Au point où on en est avec la loi…
— Merci. Le pire de l’histoire, c’est que c’est moi qui l’ai recommandé au Grand Consistoire pour organiser la vente de charité. Quelle ironie… J’ai ouvert l’Aron Haqodesh à ce salaud.
— Pardon ?
M e Lieberman avala la fumée avec délectation.
— C’est l’armoire sacrée, l’arche sainte qui contient les rouleaux de la Thora dans une synagogue. Demain, je vais lui suggérer de prendre un autre avocat et m’arranger pour qu’il se désiste de la vente du Consistoire.
Antoine acquiesça.
— C’est le minimum.
— Et vous, commissaire ? Je suppose que vous allez alerter vos homologues israéliens. Pour vous c’est une superbe affaire.
— Sans aucun doute. Je compte demander au ministère de m’envoyer en mission là-bas pour assister au démantèlement du réseau Deparovitch. C’est la première fois dans ce service que je peux remonter une filière à l’international. Une sorte de pèlerinage en Orient…
— Vous connaissez Israël ?
— Non. Je n’ai jamais eu l’occasion d’y aller. Souhaitons que la région soit calme
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