Apocalypse
bâtonnet de cire rouge et l’approcha de la flamme de la lampe. Quand elle tomba sur le cuir, la première goutte de cire chaude éclata comme un soleil.
— Judas ?
Il se retourna brusquement. Ses yeux étaient exorbités.
— Qui es-tu ?
Sa voix balbutiait d’angoisse.
— Tu ne me reconnais pas ?
— Non…
Madeleine se détacha du mur.
— Tu en es sûr ?
— Marie… Marie Madeleine… Mais qu’est-ce que tu veux ?
De sa main droite, elle dégrafa la fibule qui retenait les deux pans de sa robe. Le tissu tomba au sol.
— Ce que je veux ?
Un gémissement de tentation lui répondit.
— Tu crois que je n’ai jamais vu tes regards, Judas, quand ils se posaient sur mon corps ? Tu crois que je n’ai jamais deviné ton désir ?
Judas se leva, comme hypnotisé.
— Viens, maintenant.
Il avança, son corps maigre secoué de frissons.
— Viens…
Judas était au centre de la pièce. Juste sous la poutre. Marie Madeleine colla son ventre brûlant contre le sien. De sa main libre elle saisit la corde qui pendait, l’enroula autour du cou de Judas et s’y agrippa de toutes ses forces.
— … et crève !
Les talons du traître tressautèrent. Une fois, deux fois, puis ce fut le silence. Marie Madeleine, haletante, contemplait son œuvre. Ses bras tremblaient. Elle ne comprenait pas comment elle avait eu la force de ce geste. Sitôt qu’elle avait saisi la corde, elle avait tiré jusqu’à se lacérer les mains. Déjà le corps de Judas ne touchait plus terre. Dans un ultime effort, elle avait noué la corde au crochet fiché dans le mur et elle avait regardé l’ancien disciple.
Regardé mourir.
Le corps ne bougeait plus. La poutre taillée dans un tronc d’olivier était solide. La corde aussi. Elle prit un escabeau et le jeta sous le pendu. Avec un peu de chance, le suicide ne ferait aucun doute.
Maintenant il lui fallait fuir.
Un bruit de voix la fit sursauter. Elle se précipita vers la fenêtre. Le visage dans l’ombre, elle regarda dehors. Deux hommes venaient d’arriver en lisière du champ d’oliviers. L’un d’eux portait une hache. D’un bond elle traversa la pièce jusqu’à l’entrée. Si elle courait droit devant elle, les bûcherons ne la verraient pas.
En ouvrant la porte, elle vit l’étui de cuir. Les taches sombres des sceaux de cire.
Indécise, elle les compta : trois… cinq… sept.
« Rien ne doit demeurer de Judas. Rien » , avait dit le Seigneur.
Elle saisit l’étui, l’enfouit sous sa robe et s’élança dans la lumière du matin.
14
Paris
Ambassade d’Israël
20 juin 2009
15 heures
Le drapeau frappé de l’étoile de David flottait sur la hampe fixée sur l’escalier qui longeait les bureaux des formalités administratives. Deux gardes en civil, assis devant les premières marches, lisaient de façon nonchalante des magazines. Marcas supposa que s’il avait la moindre velléité d’avancer sans autorisation il se ferait immédiatement intercepter et plaquer au sol avant même de pouvoir protester. Une secrétaire lui fit un petit signe discret pour lui indiquer une porte qui venait de s’ouvrir au fond du couloir. Un homme jeune, pas plus de trente-cinq ans, habillé d’un costume sombre, sans cravate, se dirigea vers lui.
— Commissaire, c’est un plaisir de faire votre connaissance.
Marcas alla à sa rencontre.
— Je vous remercie de votre invitation.
L’attaché culturel lui tendit la main.
— Samuel Halimi, enchanté. Venez dans mon bureau.
Les deux hommes entrèrent dans une pièce de dimension réduite, à la décoration impersonnelle, égayée d’un poster montrant une plage de Jaffa où une jeune femme brune en bikini était en train de boire un cocktail. Marcas prit place dans un large fauteuil. Le jeune homme lui tendit une grosse enveloppe.
— Voilà vos documents. Votre passeport visé, de la documentation sur notre service du trafic des œuvres d’art, un guide de Jérusalem et une lettre personnelle de l’ambassadeur que vous donnerez à votre homologue.
— Pourquoi ne la lui avez-vous pas transmise par courrier électronique ?
— Disons que c’est une marque de sympathie particulière. Vous nous avez rendu un grand service en nous révélant cette affaire. Je crois savoir que Deparovitch est sous surveillance jour et nuit, avec des cerbères branchés sur son téléphone. Il ne peut pas aller pisser sans que nous soyons au courant. Vos rendez-vous
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