Apocalypse
L’opération a été menée en quelques minutes. Violent et efficace.
— Ça s’est passé comment ?
— Le pilote d’un scooter a calé devant eux et les a flingués à bout portant. Des complices dans une camionnette ont exfiltré le prisonnier.
Antoine contemplait toujours la voiture transformée en cercueil à trois places. Scalese continua :
— Il me faut la communication immédiate de tous les éléments de l’enquête de l’OCBC. Mon service va tout reprendre à zéro.
Marcas ne goûta guère le ton de commandement de son collègue, mais il savait qu’il n’avait pas le choix.
— Tous les éléments sont disponibles à Nanterre. Mon adjoint te transmettra les PV ainsi qu’un compte rendu détaillé.
— J’aimerais aussi que tu viennes m’en parler demain à mon bureau.
— Impossible. Je pars en Israël. Je…
— C’est pas vraiment le moment d’aller faire du tourisme, coupa Scalese.
Antoine sentit sa colère monter, mais se contrôla.
— C’est pas un voyage d’agrément. Déplacement dans le cadre de l’enquête en cours. Tu peux te renseigner auprès du ministère. Tassard te fournira toutes les précisions.
— Ça ne m’arrange pas. Il faudrait annuler.
Cette fois, Marcas perdit patience. Il fallait en finir avec ce cow-boy.
— Tu sais ce que disait l’ex-directeur central de la police, ce cher Descosse, que tu as peut-être connu ?
— Non…
— Il disait : Je respecte ce que tu dis…
— Et alors ? s’agaça Scalese.
— Ça voulait dire : Fais pas chier. Tu as la haute main dans cette saloperie et je te souhaite de choper ces fumiers, mais tu n’as aucune autorité sur mon enquête. À moins que tu ne veuilles que je fasse intervenir la hiérarchie.
Scalese le regarda en silence, puis sourit largement.
— OK. Va pour ton adjoint. Mais on se reverra. Fais-moi confiance.
— J’en doute pas. On peut déjà plus se passer l’un de l’autre.
15
Paris, XIV e arrondissement
Le sourire de la Joconde
Laboratoire d’analyse et de recherche
20 juin 2009
La première chose que Marcas demanda en entrant dans les locaux, ce fut un lieu où se laver les mains. Seul. Durant tout le trajet à travers Paris, il lui avait semblé qu’une odeur de mort le poursuivait. Devant son insistance, l’hôtesse à l’entrée l’avait conduit elle-même à la porte des W.-C. privés. Antoine n’avait pas osé se regarder dans la glace, il avait plongé ses mains sous l’eau froide jusqu’à ce qu’elles rougissent. Comme pour exorciser la culpabilité qui le gagnait. Mais il avait beau fixer l’émail du lavabo, les corps plombés de ses collègues ne quittaient plus son esprit. Surtout Ramirez. Il sentait sa tête tourner, comme l’eau autour du siphon, quand on frappa légèrement à la porte.
— Commissaire (la voix de l’hôtesse était aussi limpide que son sourire), le directeur, M. Webs va vous recevoir.
Antoine ferma l’eau, sécha ses mains glacées et fit un dernier effort pour ne pas contempler dans le miroir le désastre de son visage. Quand il sortit, l’hôtesse le conduisit directement dans un salon d’attente. Une pièce spacieuse et blanche à peine meublée. Ce minimalisme le réveilla de ses obsessions. Il n’y avait rien dans cet endroit où accrocher les images qui le hantaient. Il était là dans un espace neutre, purement fonctionnel. Il était en mission et devait s’y tenir.
— Commissaire… ? Un homme jeune, vêtu comme s’il partait pour un parcours de golf, lui tendit la main.
— Marcas. Antoine Marcas.
— Fred Webs, enchanté. Entrez et asseyez-vous. Mon assistante arrive d’un instant à l’autre.
Antoine se laissa aller dans un fauteuil de cuir aux larges accoudoirs râpés. Un claquement de talon se fit entendre sur le parquet.
— Lena Venturio. C’est elle qui est en charge de l’étude du Poussin. Une vraie pro. Vous ne serez pas déçu.
Pour l’instant, Antoine était surtout bluffé par le galbe impeccable des jambes qui se tenaient devant lui. Il n’avait pas eu le temps de se lever et son regard butait pile sur le démarrage foudroyant de deux cuisses dont l’anatomie éclatante le laissa sans voix.
L’assistante tendit un dossier à Antoine en faisant un commentaire d’une voix neutre :
— Vous y trouverez le cahier des charges contractuel que nous a transmis le ministère de la Culture et les premières réponses que nous sommes en mesure
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