Apocalypse
se sont mises en place pour faire la lumière sur les spoliations d’or et d’œuvres d’art pendant la Seconde Guerre mondiale. Les États ont suivi les recommandations et sont devenus très sourcilleux sur les biens de cette époque. Dit autrement, il est bien plus risqué maintenant d’acheter un dessin de cette provenance qu’il y a dix ans.
L’homme le scruta un moment et haussa les épaules.
— Tant pis pour vous. Si vous voulez vous asseoir sur 600 000 dollars, c’est votre affaire.
Il referma la mallette et fit mine de partir. Landry leva la main en signe d’apaisement. Il ne pouvait pas se permettre de rater cette affaire, ses finances étaient au plus bas depuis quelques mois.
— Attendez… Même si j’acceptais, qui vous dit que j’arriverais à mettre la main dessus ? Cela prendrait sans doute beaucoup de temps et je devrais engager des frais.
— Le temps est une création humaine et, à ce titre, il a à mes yeux une valeur toute relative. Je sais être patient. Ce dessin a un sens, disons métaphysique, que vous ne soupçonnez pas. Mettez-vous à sa recherche et gardez cet argent comme gage de ma bonne volonté et de ma détermination.
— Je vous contacte comment ?
— C’est moi qui vous appellerai, trois fois par an.
L’Américain avait pris congé et, depuis, il ne l’avait plus jamais revu. Régulièrement, il avait appelé, ne se formalisant pas des réponses négatives de Landry. Pendant trois ans, au gré de ses voyages d’affaires dans le monde, le Canadien avait lancé des sondes chez tous les trafiquants avec qui il était en contact. Il avait même promis une prime de 50 000 dollars à qui pourrait l’aider. Alors qu’il pensait l’œuvre définitivement perdue, la chance lui avait souri au mois de mai. L’un de ses contacts l’avait appelé, très excité, en lui certifiant que le dessin se trouvait à Paris. Son cœur avait bondi. Le tuyau s’était révélé juste, pour son plus grand malheur.
La porte de la cave s’ouvrit avec fracas. Une musique assourdissante envahit la pièce. Instinctivement, Landry se plaqua contre les cageots, le plus loin possible.
— Ce cher Hubert… On doit parler… Je m’appelle Tristan.
La blonde diaphane s’approcha de lui et s’assit à ses côtés.
— Mon nom à moi, c’est Kyria. T’aimes quoi comme musique ?
Landry ne savait pas quoi répondre.
— Pitié.
— C’est un nom de groupe ? Curieux, je connais pas. C’est quel genre ? Techno pop ? Funk progressif ?
Le Canadien tournait son unique œil vers elle, pour la voir complètement.
— Je vous en prie, je ne sais pas de quoi vous parlez.
Elle se rapprocha de lui et le gifla à toute volée. Le coup décupla la douleur.
— T’es qu’un vieux, t’as pas idée des bonnes vibrations qu’on peut avoir maintenant. Putain, mec, quand t’étais moins pourri, t’écoutais quoi ?
— Folle, vous êtes folle, hurla-t-il. Les Beatles, Pink Floyd, Céline Dion…
Kyria sourit et commença de sucer l’ongle de son index. Long et verni de rouge sang.
— Faut choisir, pépé. Un seul nom.
Il fallait qu’il se décide. Vite. Le plus récent, ça pouvait peut-être marcher.
— Céline Dion.
Elle leva les yeux vers le plafond et d’un geste brusque écrasa sa botte à talon aiguille sur le ventre du trafiquant, qui hurla.
— Mauvaise réponse. C’est de la soupe. T’aurais besoin de refaire ton éducation musicale. Je vais te prêter mon iPod.
La fille lui inséra les écouteurs. Un chant grégorien lui envahit le cerveau. Une basse, lourde et monocorde, sonna entre ses tempes. D’un coup, elle poussa le curseur à fond. La conscience de Landry éclata en lambeaux. Le son apocalyptique lui vrillait les tympans, faisait exploser ses neurones en chaîne. Une main rapide lui enleva les écouteurs et une voix masculine résonna, douce, presque enivrante.
— La musique est d’essence divine… Tu ne crois pas ? Elle apaise, nous conduit à la sérénité.
— Pitié… Je vous en supplie… Pitié.
Un talon cerclé de fer se posa sur son entrejambe.
— Là, tu te répètes, papy, commenta la blonde.
— Tout ce qu’on désire, c’est la vérité, ta vérité, reprit la voix de l’homme, si tu nous racontais ton aventure ?
— Mais quelle aventure ?
— Écoute, on t’a suivi depuis ton arrivée à Paris. On t’a vu entrer au Café de Nemours et, juste après, un car de police a débarqué.
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