Apocalypse
va en principe tout faire rater. Et ce caillou…
John appuya sur la touche de connexion Internet de l’ordinateur portable.
— … moi, je sais comment le réduire en poussière.
29
Jérusalem
Vieille ville
21 juin 2009
La lune resplendissait dans son premier quart et jouait à cache-cache entre les nuages qui venaient d’apparaître. Marcas marchait depuis une heure. Il était entré dans la vieille ville par la porte de Damas, avait emprunté la via dolorosa dans le dédale pittoresque du quartier musulman et s’était arrêté devant les stations du Chemin de croix. Au fur et à mesure de son périple il s’était demandé comment les chrétiens en visite pouvaient éprouver une émotion quelconque au vu de l’ambiance si proche d’un souk de Tanger ou de Fez. Par mauvais esprit, il avait photographié l’échoppe d’une boutique de lingerie qui donnait sur la dixième station, étalant de superbes culottes taille 50 en dentelle rose d’un kitch absolu. Il se promit de l’envoyer à l’un de ses collègues, abonné à la messe du dimanche, et qui se faisait un malin plaisir de lui faire parvenir le moindre article sur les affaires des francs-maçons.
Un geste puéril, certes, mais effectué sans la moindre honte. Il s’arrêta pour reprendre son souffle et s’asseoir sur une vieille pierre rongée par les ans, sous la voûte d’un porche. Il essaya vainement d’imaginer Jésus en train de porter sa croix devant lui, mais n’y parvint pas. C’était comme visualiser un personnage de conte de fées. La religion l’avait toujours mis mal à l’aise et l’initiation à la maçonnerie n’avait fait que renforcer son rejet de tout dogme. La croyance en un Christ, dieu de bonté et d’amour, avait pourtant tout pour le séduire, mais l’obligation de soumission envers une foi et une hiérarchie religieuses le révulsait. La croyance en l’homme était devenue son credo, même si secrètement il restait séduit par l’idée d’un Grand Architecte de l’univers.
Il déboucha dans le quartier juif, comme s’il avait changé de ville. Les rues impeccables, les maisons ravalées, tout avait l’air rangé, tiré au cordeau. Rien à voir avec l’ambiance de souk de la zone arabe. Il tira son plan de sa poche et repéra la rue de la maison de retraite.
Un quart d’heure plus tard, après s’être trompé de chemin deux fois et avoir demandé un renseignement à un boucher jovial, il arriva devant un immeuble de trois étages des années 1960 et sonna. L’interphone grésilla. Une trentaine de secondes s’écoula puis une caméra de surveillance s’orienta dans sa direction.
— Ken ? demanda une voix d’homme.
— Boker Tov , Antoine Marcas, je viens de la part du commandant Steiner.
— Il m’a prévenu. Je suis le concierge. La maison de retraite comprend six appartements privatifs, celui de Mme Lévy est au dernier étage, la porte centrale sur le palier. Je lui annonce votre arrivée.
Le portail de l’entrée s’ouvrit et il s’engouffra dans un ascenseur en bois ciré avec des boutons dorés et une porte grillagée. L’appareil s’arracha avec un long craquement et monta à une vitesse d’escargot vers le troisième étage. Sur le palier, il vit apparaître une vieille dame aux cheveux de neige, vêtue d’une robe grenat à col dentelle.
— Monsieur Marcas, soyez le bienvenu.
Elle lui tendit sa main parcheminée, mais ses yeux noirs laissaient transparaître une vivacité d’esprit encore remarquable. Ses gestes étaient rapides. Seules ses jambes trahissaient son âge : elle s’appuyait sur une canne noire à gros pommeau.
— Entrez, dit-elle d’une voix ravie.
Antoine la suivit dans son appartement. La surprise le saisit aussitôt. Il se serait cru dans un intérieur français : une copie d’affiche de Sarah Bernhardt, dessinée par Mucha, décorait l’entrée, une grande photo en noir et blanc des Champs-Élysées trônait sur une commode Louis-Philippe, à côté du portrait d’un homme au visage buriné, portant un treillis de combat. Elle le fit pénétrer dans un salon donnant sur une baie vitrée. En face, à côté d’une horloge comtoise, était suspendu un tableau représentant la cité de Carcassonne dans le couchant. Les remparts crénelés flamboyaient sous les derniers rayons du soleil.
— Asseyez-vous, je vous prie. Je suis tellement contente de vous voir. Quand le commandant Steiner m’a appelée pour me dire
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