Apocalypse
Mate, y en a un qui approche, répondit le second en dévisageant Marcas d’un air ironique.
Antoine soupira intérieurement. Même ici, il fallait qu’il tombe sur un groupe de beaufs français au QI proche du score du PSG en ligue ! Et en plus, ils le prenaient pour un Juif orthodoxe. Il fit semblant de ne pas avoir entendu. Le plus âgé des touristes s’esclaffa derrière lui.
— Hé, Salomon, garde-la bien au chaud, ta queue. Faudrait pas qu’ils te la coupent une deuxième fois !
Le groupe partit en chœur d’un rire gras. Le commissaire s’arrêta net. Lentement, il se retourna et fixa les quatre touristes. Il appréciait les blagues antisémites quand elles étaient racontées par des Juifs. La bêtise le révulsait, surtout quand elle baignait dans du racisme ordinaire. Il les jaugea pendant plusieurs secondes, l’air mauvais. Il avait besoin de se défouler. L’une des deux femmes se rapprocha de son mari et chuchota :
— Il a pas l’air content, Jean-Pierre. Je crois qu’il comprend le français. Je t’avais dit d’arrêter de balancer tes vannes sur les Juifs, dans leur pays.
— Mais non, je vais lui faire un salut amical, à ce con. Il va se casser, dit le gros qui offrit son plus beau sourire en agitant la main vers Marcas.
Antoine s’approcha du groupe et brandit sa carte de police.
Les yeux des beaufs s’écarquillèrent.
— Messieurs dames, bonjour. Je suis français moi aussi. Commissaire Marcas, chargé de la sécurité à l’ambassade de Tel Aviv. Je vous ai entendus prononcer une expression antisémite. Savez-vous que, si je témoigne en tant qu’officier assermenté, c’est passible de deux ans de prison ici ?
Celui qui avait interpellé Antoine devint rouge pivoine en échangeant un regard craintif avec ses amis. Il balbutia :
— Je suis désolé, c’était pour rire un peu. On… on est crevés après une journée à marcher dans cette ville. On aime beaucoup les Juifs, je vous assure. Hein, Marcel ? Le pédiatre des enfants, il s’appelle Cohen.
— Vraiment ? répondit Marcas d’un air glacé, en faisant mine de prendre son portable. Vous ne vous rendez pas compte de la situation. La semaine dernière, j’ai dû aller visiter cinq de nos compatriotes dans la prison d’État pour le même délit. Ça faisait cinq mois qu’ils attendaient leur jugement. Vous voulez que j’appelle mes collègues israéliens ? Vous pourrez ainsi témoigner de votre amour de la tradition hébraïque au poste ?
L’une des deux femmes réagit aussitôt :
— Monsieur le commissaire, ne faites pas ça. Il est stupide, c’est tout. Il ne recommencera pas. T’as compris ce que t’a dit monsieur le commissaire, crétin ?
Marcas les toisa. Il assumait son abus de pouvoir avec une satisfaction toute perverse.
— Bon. Je veux bien vous oublier, mais il va falloir faire amende honorable. Sinon…
— Tout ce que vous voulez, glapit l’homme au visage cramoisi.
— Vous voyez l’entrée ? Vous aviez raison, il va y avoir une cérémonie religieuse très importante. Dites au gros homme en costume noir que vous êtes tous ravis d’être dans ce si beau pays. Et demandez-lui sa bénédiction, même si vous n’êtes pas juifs. C’est un grand rabbin, très sage. Il a mauvais caractère, mais il faut insister. Je reste là et je vous observe. Allez !
— T’as entendu monsieur le commissaire ?
Le groupe se précipita vers l’entrée de la grotte. Marcas se mordit les lèvres en voyant les quatre péquenauds parlementer avec le frère Obèse. Il s’assit sur un banc et s’alluma une cigarette. Apparemment, le ton montait, le frère Obèse s’emportait. Antoine réprima un grand éclat de rire, tira quelques bouffées puis se leva. Le groupe était revenu vers lui, décontenancé.
— Votre rabbin n’a rien voulu entendre. Il a même nié qu’il était juif. On fait quoi ? On peut partir ?
— Filez. Mais ne prononcez plus de remarques déplacées. Ici… et en France.
— C’est promis, merci beaucoup, monsieur le commissaire.
— Je suis trop bon, ça me perdra, marmonna Marcas de nouveau au bord du fou rire.
Il vit s’éloigner le groupe et s’approcha de l’entrée de la grotte. Le frère Obèse lui donna l’accolade fraternelle tout en lui montrant les touristes qui quittaient les lieux précipitamment.
— Tu sais quoi ? Ces tarés m’ont demandé de les bénir. Ils m’ont pris pour un rabbin. L’un d’entre eux
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