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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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le notaire Valiquette, assis au bout de la table, face au curé de Saint-Bernard-Abbé.
    — Tout d’abord, messieurs, je n’ai pas de félicitations à vous faire, dit abruptement Josaphat Désilets.
    Personne ne broncha autour de la table. Le curé, un peu étonné du silence de ses marguilliers, poursuivit.
    — Je m’attendais à ce que vous ayez déjà constitué une équipe pour monter ma cloche dans le clocher. Elle ne pèse que quatre cents livres. La laisser sur de la jute devant le parvis, c’était risquer de la faire abîmer…
    — On n’y a pas touché, monsieur le curé, parce que personne savait d’où elle sortait, intervint Eudore Valiquette.
    — Elle vient de la fonderie Louis Dupuis de Trois-Rivières.
    — Est-ce qu’on peut savoir qui vous en a fait cadeau, monsieur le curé ? demanda Donat.
    — Personne, mon jeune ami, lui répondit le prêtre en tournant la tête vers lui. Cette cloche-là était une occasion unique à saisir, daigna enfin expliquer Josaphat Désilets en adoptant un air supérieur. Dupuis a reçu cette commande-là l’an passé d’une petite paroisse proche de Louiseville, mais quand est arrivé le temps de payer, il paraît que la fabrique n’avait plus les moyens d’acquitter la facture.
    — Tout ça nous dit pas pourquoi vous appelez ça une « occasion unique », monsieur le curé, fit remarquer Thomas Hyland d’une voix posée.
    — Tout simplement parce que Dupuis demandait deux cent soixante-quinze dollars et qu’il est prêt à nous laisser la cloche pour deux cent vingt-cinq dollars, ajouta le prêtre sur un ton triomphant. Pensez-y, c’est une cloche neuve.
    — Avez-vous une petite idée comment on va la payer ? demanda Samuel Ellis.
    — Avec la dîme et la location des bancs, laissa tomber Josaphat Désilets, comme si cela allait de soi.
    — Voyons, monsieur le curé, rétorqua l’Irlandais en commençant à perdre son calme. Vous savez aussi ben que moi que presque tous les cultivateurs paient leur dîme en nature. Et pour ce qui est de la location des bancs, ça prend tout pour ramasser quarante piastres.
    — Et cet argent-là sert surtout à payer les cierges et le vin de messe, intervint Hormidas Meilleur.
    Un long silence tomba sur la réunion. Le curé Désilets retira ses lunettes et se mit à en nettoyer les verres avec un soin exagéré. Le président du conseil de fabrique finit par reprendre la parole.
    — Je suppose, monsieur le curé, que vous aviez une idée comment payer cette cloche-là quand vous l’avez achetée…
    — Mais je pensais pouvoir compter sur mon conseil…
    — Votre conseil peut pas faire de miracle, monsieur le curé, poursuivit Thomas Hyland en ouvrant devant lui le cahier noir des comptes de la paroisse, cahier qui ne le quittait jamais lors des réunions de la fabrique. On dirait que vous avez oublié à quel point la paroisse est endettée par-dessus la tête. On doit encore les deux tiers de la chapelle, le jubé, le presbytère et les autres bâtiments.
    — On dirait que vous pensez que l’argent pousse sous les pas d’un cheval, laissa tomber Donat, excédé.
    Cette remarque lui attira un regard assassin de l’ecclésiastique.
    — En tout cas, là, il est trop tard, déclara Josaphat Désilets, le visage fermé, la cloche est achetée.
    — C’est bien dommage, monsieur le curé, mais cette fois-ci, vous nous mettrez pas devant le fait accompli, affirma Eudore Valiquette sur un ton ferme en fixant le prêtre d’un regard qui ne cillait pas. La fabrique a pas autorisé cet achat-là et a rien signé. Ou vous payez de vos propres deniers cette cloche-là, ou vous la renvoyez d’où elle vient en expliquant à Dupuis que vous avez pas l’argent pour la payer.
    Le visage blafard à la lueur de la lampe à huile posée au centre de la table, le prêtre regarda tour à tour chacun des membres de son conseil, comme pour sonder leur détermination.
    — C’est pas possible ! déclara-t-il en élevant la voix. Les gens de Saint-Bernard-Abbé accepteront jamais cette affaire-là.
    — On a été choisis pour administrer la paroisse, fit le petit notaire sur un ton sans réplique. Il va falloir qu’un jour, vous compreniez, monsieur le curé, qu’on peut pas dépenser plus que les revenus et qu’il y a des limites aux dettes qu’on peut faire.
    — Je veux qu’il y ait un vote là-dessus, ordonna-t-il d’une voix cassante.
    Immédiatement, le vote fut pris et ne donna

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