Au bord de la rivière T4 - Constant

côtés à compter de ce jour-là et de prendre en charge ses relevailles.
    — Emma serait bien venue, elle aussi, expliqua Catherine, mais avec ses trois enfants… On lui a plutôt demandé de garder Constance. Xavier, lui, va aussi donner un coup de main.
    — Vous êtes bien fines, les remercia Camille, reconnaissante. C’est certain que ça va aller pas mal plus vite que si j’étais toute seule avec Ann, Patrick et Liam.
    — Où est passé l’oncle de ton mari ? lui demanda sa mère.
    — Depuis une couple de jours, il a commencé à aller traîner au moulin de Hyland. Grand bien lui fasse, ça me débarrasse, répondit la future maman, incapable de manifester la moindre sympathie pour son pensionnaire.
    Quelques minutes plus tard, les femmes de la maison quittèrent les lieux et allèrent rejoindre les deux hommes déjà au travail dans l’entrée de la grange où étaient suspendues les deux bêtes abattues la veille. Rex s’approcha et Liam lui ordonna de retourner à sa niche. L’animal obéit.
    Durant une bonne partie de l’avant-midi, on s’activa à découper la viande qui allait nourrir les Connolly durant la prochaine année. Il faisait froid. De la buée s’échappait de la bouche des bouchers qui soufflaient de temps à autre sur leurs doigts gourds pour les réchauffer. Régulièrement, Ann se chargeait de transporter les morceaux enveloppés dans de la toile de jute dans les grands coffres déposés au fond de la remise.
    À un certain moment, Camille s’absenta pour aller chercher davantage de tissus d’emballage. Pendant quelques minutes, on ne sembla pas s’inquiéter de son absence et le travail se poursuivit. Soudain, Marie se rendit compte que sa fille aînée tardait à revenir.
    — Ann, va donc voir ce que ta mère fait, demanda-t-elle à l’adolescente.
    La jeune fille traversa la cour de la ferme et entra dans la maison.
    — Camille ! cria-t-elle en pénétrant dans la cuisine d’hiver.
    — Ann, va vite chercher ma mère, répondit une voix en provenance de l’unique chambre à coucher du rez- de-chaussée.
    — Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Ann en s’avançant vers la chambre dont la porte était entrouverte.
    — Entre pas ! lui ordonna Camille d’une voix méconnaissable. Fais ce que je t’ai dit. Dépêche-toi !
    La fille aînée de Liam Connolly se précipita à l’extérieur pour alerter Marie Beauchemin. Cette dernière ne demanda aucune explication.
    — Viens avec moi, Catherine, commanda-t-elle à sa jeune bru, le visage soudainement pâle. Pour moi, elle vient d’avoir ses premières douleurs.
    Xavier, Liam et son fils Patrick s’apprêtaient à les suivre, mais Marie les en empêcha avec autorité.
    — Vous autres, vous avez rien à faire dans la maison, les prévint-elle. Liam, si c’est le petit qui arrive, tu pourras aller chercher le docteur pendant que Xavier et ton garçon vont finir l’ouvrage avec l’aide d’Ann.
    Sur ces mots, les deux femmes se précipitèrent vers la maison.
    — Où est ta mère ? demanda Marie à l’adolescente en arrivant à la galerie.
    — Dans sa chambre, madame Beauchemin. Elle a pas voulu que j’entre.
    — C’est correct, va aider les hommes à finir l’ouvrage. Nous, on va s’occuper de Camille.
    Elle entra dans la maison, suivie de près par Catherine et toutes les deux se dirigèrent vers la chambre à coucher où elles découvrirent Camille en douleur, agrippée, grimaçante, aux montants de sa tête de lit.
    — Je pense que c’est bien commencé, m’man, dit-elle d’une voix rauque.
    — Commencé ! s’exclama sa mère, mais c’est plus que commencé… Ton petit est à demi sorti !
    Marie prit aussitôt les choses en main.
    — Catherine, va me faire bouillir de l’eau, prends toutes les affaires du petit et va les placer sur la table pour sa toilette. Seigneur ! J’ai jamais vu ça. Accoucher aussi facilement quand c’est un premier, c’est rare ! Ensuite, crie à Liam d’atteler tout de suite pour aller chercher le docteur Samson.
    Sa bru retourna dans la pièce voisine préparer tout ce qu’il fallait pour l’arrivée du bébé pendant que Marie encourageait sa fille à expulser définitivement le bébé dont elle pouvait voir la tête entre ses cuisses.
    Quinze minutes plus tard, Camille poussa un grand cri de libération et son enfant vint au monde. Haletante, la jeune mère ferma les yeux quelques instants, le temps que Marie coupe le cordon