Au bord de la rivière T4 - Constant
protégeant le visage du mieux qu’elle pouvait avec son écharpe de laine. Dire que ça fait juste commencer !
Le soleil ne se leva qu’au moment où les Beauchemin finissaient de manger leur déjeuner.
— Je pense qu’il y a pas à se demander ce qu’on va faire de notre journée, déclara Hubert en allumant sa première pipe à l’instant de quitter la table. On va pelleter et passer la gratte. Je vais atteler mon cheval avec la Noire. On va ben voir s’ils s’entendent pour tirer d’aplomb. Le mien est moins vieux que le Blond et pas mal plus vaillant.
Donat acquiesça tout en se plantant devant l’une des deux fenêtres de la cuisine.
— On dirait que le vent vient de tomber, annonça-t-il aux siens et il neige presque plus.
— Si c’est comme ça, je vais aller dégager les entrées des bâtiments et de la maison, annonça Bernadette.
Eugénie demeura seule dans la maison, autant pour prendre soin d’Alexis que pour procéder au lavage hebdomadaire des vêtements de la famille. Depuis quelques jours, elle constatait à quel point sa belle-mère abattait une lourde tâche dans la maison, tâche qui lui était naturellement retombée sur les épaules parce que Bernadette passait ses journées à l’école.
Donat alla aider son frère à atteler les deux chevaux à la gratte artisanale fabriquée par leur père deux décennies plus tôt. Il s’agissait d’un assemblage de madriers joints par des chaînes et lourdement lesté.
— Quand tu seras gelé, viens me chercher dans l’étable, suggéra l’aîné. Je viendrai te remplacer.
Hubert mit près de deux heures à déneiger la grande cour de la ferme et, après avoir laissé reposer les chevaux fourbus, Donat prit la relève pour nettoyer la section de la route qui longeait la terre paternelle. Quand ce fut terminé, son frère vint planter des branches de sapinage tous les cinquante pieds pour éviter que les voyageurs quittent la route sans s’en rendre compte quand l’obscurité tomberait.
Pendant ce temps, chez les Connolly, Liam et ses enfants s’étaient aussi attelés à la même tâche qu’ils ne terminèrent qu’au milieu de l’après-midi. À un certain moment, Duncan, le visage rougi par le froid, rentra dans la maison pour se réchauffer. Marie lui versa un verre de lait et lui offrit quelques biscuits à l’avoine qu’elle venait de sortir du four.
— Fais pas trop de bruit, lui dit-elle à voix basse, Camille vient de s’endormir avec le bébé.
— Pensez-vous, madame Beauchemin, que mon père accepterait que j’attelle notre chien au vieux traîneau qui est dans la remise ?
— Pourquoi tu veux faire ça ?
— Ben, j’ai pensé que Rex est aussi gros et aussi fort que le chien du facteur et il l’attelle à son traîneau quand il y a ben de la neige.
— Je veux bien le croire, mais ça me dit toujours pas pourquoi t’aimerais faire ça.
— J’ai pensé qu’il pourrait emmener Rose à l’école…
— Et toi, là-dedans ? fit Marie avec un sourire narquois.
— Je m’assoirais sur le traîneau moi aussi, admit-il.
— Et qu’est-ce que ton chien va faire toute la journée ? Tu penses qu’il va t’attendre à la porte de l’école ?
— Non, je l’habituerais à revenir tout seul à la maison.
— Parles-en à ton père, lui conseilla la mère de Camille. Tu vas bien voir ce qu’il va en dire.
Quelques minutes plus tard, Liam rentra à la maison en compagnie de Patrick et d’Ann dans l’intention de se réchauffer un peu avant de faire le train. Duncan, assis au bout de la table, rassembla tout son courage pour exposer son idée à son père qui l’écouta sans dire un mot, sous l’œil inquisiteur de sa belle-mère.
— J’aime pas trop cette idée-là… finit-il par laisser tomber. Mais ce serait peut-être une façon de faire gagner à ce maudit chien-là tout ce qu’il mange dans une journée.
Rose, enthousiaste à l’idée d’aller à l’école en traîneau, applaudit.
— T’as pas peur que ce soit dangereux pour les enfants ? intervint Paddy qui n’avait pas bougé de la maison de la journée.
Duncan et Rose ne purent cacher leur déception en entendant ces paroles, ce qui incita la mère de Camille à intervenir dans la discussion.
— Voyons donc ! C’est pas si dangereux que ça. Un chien, c’est pas un cheval. Il va pas si vite que ça. Le pire qui peut arriver, c’est qu’il fasse verser le traîneau. Les années passées,
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