Au bord de la rivière T4 - Constant
voix pour impressionner son chien. Grouille !
Rex fit quelques pas en direction du pont et s’arrêta, toujours aussi incertain de la conduite à suivre.
— À la maison ! lui hurla Duncan en faisant le simulacre de courir après sa bête, comme pour la chasser.
Rex, attelé au traîneau, partit sans demander son reste, traversa le pont et finit par disparaître de la vue de son jeune maître. Quand Duncan rencontra son frère Patrick à mi-chemin entre la maison et l’école, ce dernier lui apprit que le chien, rencontré quelques minutes plus tôt, avait l’air de se diriger vers la maison.
À l’arrivée des deux frères à la ferme, Rex était devant sa niche, près de la remise, attendant de toute évidence qu’on lui retire l’attelage.
Le lendemain matin, Rose et Duncan étrennèrent leur nouveau moyen de transport pour aller à l’école et le jeune garçon n’éprouva aucun mal à renvoyer sa bête à la maison.
— À cette heure, il faudrait qu’il apprenne à venir nous chercher, déclara Duncan, ce soir-là, après le repas.
— Ça peut attendre, dit son père sur un ton définitif. Marcher de l’école à la maison vous tuera pas, ta sœur et toi.
Le lendemain, en début d’après-midi, une sleigh vint s’arrêter à la porte du presbytère de Saint-Bernard-Abbé. Un gros homme emmitouflé dans un manteau noir en drap du pays s’extirpa difficilement du véhicule et attacha son cheval à la rampe de l’escalier avant de jeter sur le dos de sa bête une épaisse couverture et de s’emparer d’une petite valise en carton bouilli déposée sur le siège avant de la sleigh . Le visiteur entreprit ensuite d’escalader la demi-douzaine de marches conduisant à la porte du presbytère à laquelle il frappa. Bérengère Mousseau vint lui ouvrir.
— Bonjour, madame, la salua aimablement l’homme avec un large sourire. Je suis l’abbé Félix Fleurant et j’aimerais parler à monsieur le curé.
— Entrez, monsieur l’abbé, répondit la ménagère. Je vais le prévenir tout de suite.
Elle le fit entrer dans la petite salle d’attente et alla frapper à la porte du bureau du curé Désilets. Celui-ci combattait difficilement le sommeil en tentant de lire son bréviaire.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il au moment où la porte s’ouvrait sur la ménagère.
— Vous avez de la visite, monsieur le curé, lui annonça-t-elle. L’abbé Félix Fleurant. Je l’ai fait passer dans la salle d’attente.
— Dites-lui que j’arrive.
Dès que la porte se fut refermée sur la veuve, Josaphat Désilets quitta son fauteuil en se frottant les mains.
— Dis-moi pas que monseigneur vient de comprendre que j’avais besoin d’un vicaire, fit-il à mi-voix, la mine réjouie à la pensée que la vie au presbytère allait être beaucoup plus agréable. Il m’envoie peut-être un vicaire pour me consoler de n’avoir pas de cloche et pour prouver au conseil qu’il m’appuie.
Sur ces mots, l’ecclésiastique quitta son bureau le sourire aux lèvres et alla accueillir son visiteur, qui venait de suspendre son manteau à la patère. Il sursauta tout de même en se rendant compte que le vicaire avait sensiblement son âge et avait au moins deux fois son tour de taille. Les deux hommes se serrèrent la main et la curé Désilets entraîna Félix Fleurant dans son bureau où il l’invita à s’asseoir.
— J’ai laissé mon cheval attaché à la rampe de l’escalier, dit le vicaire.
— Attendez, mon bedeau est en train de rentrer du bois dans la cuisine. Il va l’installer dans l’écurie après. C’est pas la place qui manque.
Josaphat Désilets héla sa ménagère et la pria de demander à Agénor Moreau de s’occuper du cheval de l’abbé Fleurant.
— Je suis content que monseigneur m’ait envoyé enfin un vicaire, même si je ne lui en ai jamais demandé, dit le pasteur de Saint-Bernard-Abbé en refermant la porte de son bureau derrière lui.
Félix Fleurant eut soudain l’air un peu embarrassé. Il tira de l’une des poches de sa soutane une enveloppe qu’il tendit à son hôte.
— J’ai une lettre de monseigneur pour vous, annonça- t-il.
Josaphat Désilets prit la missive, l’ouvrit et s’approcha de la fenêtre pour profiter de la lumière extérieure. Il se mit à la lire lentement. Au fur et à mesure que sa lecture progressait, son visage passait progressivement au rouge.
« Mercredi, 19 novembre 1872
Mon bien cher frère en
Weitere Kostenlose Bücher