Au bord de la rivière T4 - Constant
faire une génuflexion devant le tabernacle du maître-autel. La chapelle était déjà occupée par une quarantaine de paroissiens plongés dans leurs dévotions. En posant le genou au sol, Félix Fleurant entendit nettement son pantalon ou sa soutane se déchirer. Dans l’église silencieuse, le bruit fut perçu clairement par les gens présents qui se regardèrent avec surprise.
Le prêtre se releva rapidement, rouge de confusion, incapable de savoir à quel point il avait montré une partie intime de son anatomie aux gens agenouillés dans les premières rangées de bancs. Il se dirigea rapidement vers la sacristie où il s’empressa d’examiner lequel de ses vêtements s’était abîmé dans sa génuflexion.
— Batèche, j’espère que c’est pas les deux ! dit-il à mi-voix en tâtant à l’aveuglette l’arrière de sa soutane. Il manquerait plus que j’aie montré mon derrière à tout le monde. Ils ont pas fini de rire dans la paroisse… Il y en a pas mal qui ont dû entendre et ils vont raconter ça partout.
Malheureusement, ses pires craintes se confirmèrent. Il découvrit du bout des doigts un large espace décousu de sa soutane ainsi que de son pantalon. Il reconnut au toucher son épais sous-vêtement.
— Batèche de batèche ! s’exclama-t-il à nouveau. J’ai l’air fin là. J’ai pas le temps de retourner au presbytère changer de pantalon avant ma messe. Ma soutane, c’est pas grave, elle va être cachée par mon aube et ma chasuble…
Après un court instant de réflexion, le brave curé décida de se préparer pour la basse-messe en se jurant bien de retourner rapidement au presbytère voisin pour demander à sa ménagère de réparer sommairement les dégâts avant la grand-messe. Il célébra sa messe en éprouvant un certain malaise, persuadé qu’un bon nombre de ses paroissiens présents sur les lieux avaient entendu les tissus se déchirer.
À son entrée précipitée au presbytère après la célébration du saint sacrifice, il eut la chance de trouver Bérengère Mousseau qui se préparait pour la grand-messe et il lui raconta ce qui lui était arrivé.
— Je vais dire comme vous, monsieur le curé, fit la veuve sans s’émouvoir en regardant la longue couture de la soutane noire qui avait lâché, ce serait pas correct que les gens de Saint-Bernard voient les fesses de leur curé, même si c’est le jour de l’An.
— C’est pas très drôle, madame Mousseau, rétorqua le prêtre.
— Remarquez qu’il va falloir que vous arrêtiez de prendre votre soutane pour la robe du petit Jésus. Elle s’étire pas avec vous. La même chose avec votre pantalon.
— Pourquoi vous me dites ça ?
— Tout simplement parce que vous avez encore engraissé et que les coutures lâchent toutes. Là, vous allez vous changer et je vais faire mon possible pour réparer les dégâts, mais il va bien falloir que vous vous fassiez faire une autre soutane et un autre pantalon un jour.
L’humeur un peu gâchée par cette dépense imprévue, Félix Fleurant monta à sa chambre et en revint avec ses vêtements décousus à la main.
— Pensez-vous vraiment que je sois trop gros ? demanda-t-il, inquiet, à Bérengère qui l’attendait avec une aiguille et du fil noir.
— Le moins qu’on puisse dire, monsieur le curé, c’est que vous avez l’air bien en santé, répondit-elle en riant. Chez nous, on disait être gras à plein cuir quand on voyait quelqu’un avec la peau tendue comme la vôtre.
— Tout ça, c’est votre faute, laissa tomber le prêtre en retrouvant progressivement sa bonne humeur. Si vous faisiez pas si bien à manger, j’aurais la ligne d’un jeune vicaire.
Bérengère Mousseau lui répondit par un sourire.
Ce matin-là, la présence de sœur Marie du Rosaire et de Célina Chapdelaine chez les Beauchemin obligea ces derniers à demander à Constant Aubé son assistance pour transporter leurs invités à la grand-messe. Il avait été décidé la veille que le petit Alexis allait assister à sa première messe, ce qui allait permettre à sa mère de participer à la cérémonie religieuse. Dans la sleigh de Donat, Marie, Eugénie, Alexis et Bernadette prirent place alors que dans la voiture de Constant s’entassèrent la religieuse, son accompagnatrice et Hubert.
À leur arrivée devant la chapelle, en haut du rang Sainte-Ursule, les conducteurs laissèrent descendre leurs passagers devant le parvis avant d’aller ranger leur
Weitere Kostenlose Bücher