Au bord de la rivière T4 - Constant
véhicule près de la trentaine d’autres, dans le stationnement, à gauche du temple.
— Il y aura pas assez de place pour tout le monde dans notre banc, chuchota Donat à son jeune frère.
— C’est pas grave, le rassura Hubert, je vais aller m’asseoir avec Xavier et Catherine dans leur banc.
Le jeune homme se dirigea vers le banc de son frère et il croisa le regard interrogateur d’Angélique qui l’avait vu entrer dans la chapelle sur les talons de l’inconnue avec laquelle il avait fait de la raquette la veille. La fille de Télesphore Dionne s’empressa de baisser le regard et feignit de ne pas l’avoir vu. Hubert, dépité, poursuivit son chemin vers le banc de Xavier.
— Est-ce que j’ai ben vu ? demanda le mari de Catherine. La septième plaie d’Égypte, comme l’appelle m’man, nous est encore tombée dessus…
— T’as ben vu, mon frère, répondit Hubert. Ça a mis m’man pas mal de bonne humeur.
— Blasphème qu’on n’est pas chanceux !
— Lamente-toi pas, toi. T’as pas à l’endurer comme nous autres. Depuis qu’elle est arrivée hier matin, elle a pas arrêté de tout critiquer.
Le célébrant entra dans le chœur et commença la grand-messe. Il fit son sermon dans les deux langues, conseillant à ses paroissiens de prendre de bonnes résolutions pour la nouvelle année et surtout de pardonner les insultes subies durant l’année et d’accueillir, les bras ouverts, tous leurs visiteurs. Il termina la célébration en souhaitant à tous une bonne année 1873, de la santé et bien sûr le paradis à la fin de leurs jours.
Avant de quitter la chapelle, un bon nombre de fidèles tinrent à venir serrer la main de leur curé et à lui offrir leurs vœux.
Pour sa part, Hubert s’empressa de s’approcher d’Angélique Dionne quand il vit que les parents de la jeune fille l’avaient laissée seule pour saluer des amis et des clients sous le porche de la chapelle. Il lui offrit ses meilleurs vœux avant de s’informer si elle accompagnait vraiment sa famille chez le cousin de Saint-Zéphirin.
— Si j’ai bien compris, je vais encore passer la journée tout seul, comme à Noël, sans te voir, fit-il sur un ton assez acrimonieux.
— J’ai pas le choix, se défendit-elle mollement.
— T’aurais pu venir souper chez ma sœur.
— Mon père et ma mère disent que c’est tellement rare que le cousin organise quelque chose que ce serait l’insulter de pas y aller.
— Tu aurais pu demander qu’on m’invite dans ce cas-là.
— C’est bien trop gênant… En passant, qui est la fille avec qui t’es allé faire de la raquette avec Bernadette et le boiteux hier ? lui demanda-t-elle en faisant mine d’accorder peu d’importance au fait.
— Une orpheline de Sorel qui accompagne ma tante en visite chez nous.
— Elle est pas laide, laissa tomber Angélique en surveillant sa réaction.
— Je sais pas si elle est pas laide, répliqua son amoureux, mais elle est pas mal fine.
Les traits d’Angélique se crispèrent légèrement lorsqu’elle entendit ces paroles.
— Est-ce qu’elle est chez vous pour longtemps ?
— Ça va dépendre de ma tante Mathilde. Elle peut décider de rester jusqu’aux Rois comme partir demain matin.
À ce moment-là, Célina s’approcha du couple pour rappeler à Hubert qu’on l’attendait pour partir. Celui-ci la présenta à Angélique qui lui fit un accueil plutôt froid, même si l’orpheline se montra pleine de gentillesse. Quand la fille d’Alexandrine monta dans la sleigh des Dionne quelques minutes plus tard, elle s’était déjà persuadée qu’elle n’avait rien à craindre d’une orpheline au visage rond beaucoup moins jolie et sûrement moins instruite qu’elle.
La réunion familiale chez les Lafond s’ouvrit sur une excellente nouvelle puisque Catherine, un peu rougissante, apprit aux gens présents que Constance aurait un petit frère ou une petite sœur au milieu de l’été. Seul le visage d’Eugénie s’assombrit. L’épouse de Donat pensait à l’enfant qu’elle avait perdu quelques mois plus tôt.
Constance, Marthe et Damian, les plus jeunes des petits-enfants de Marie Beauchemin, passèrent rapidement de main en main. La dernière-née d’Emma sembla adopter Célina et ne voulut plus quitter ses bras jusqu’à l’heure du souper. L’amour évident de la jeune fille pour les enfants était assez émouvant pour que l’hôtesse le fasse remarquer aux femmes
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