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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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attire le monde.
    — Lemire m’a dit qu’ils ont ben essayé, mais il paraît que Tessier était pas pantoute intéressé. Probable qu’il a peur de Dorion.
    Malgré le mauvais temps, les deux frères Beauchemin sillonnèrent les rangs de Saint-Bernard-Abbé et de Sainte-Monique durant les trois jours suivants. Ils rameutèrent les partisans conservateurs et les invitèrent à venir nombreux à la réunion à Saint-Zéphirin qu’allait tenir Pierre-Nérée Dorion, un arpenteur-géomètre.
    — Tu te donnes bien du mal pour pas grand-chose, déclara Marie à son fils, inquiète de le voir revenir trempé jusqu’aux os de sa dernière tournée des foyers de la région.
    — C’est pas pour rien, m’man, se défendit le jeune cultivateur. Lemire m’a promis l’ouvrage d’inspecteur des routes de Saint-Bernard et il paraît que c’est pas trop mal payé.
    Sa mère haussa les épaules et reprit son travail de couture.
    — J’espère qu’il y aura pas de bardassage avec les Rouges demain soir, intervint Eugénie, à son dernier mois de grossesse.
    — Ça me surprendrait pas mal, répondit son mari. Ils savent qu’on peut venir brasser pas mal, nous autres aussi, quand ils vont tenir leur réunion mercredi prochain à Saint-Bernard.
    — Moi, ce que je trouve plate, c’est que les femmes peuvent même pas assister à ces réunions-là, laissa tomber Bernadette en train d’ourler une jupe.
    — Il manquerait plus que ça, s’offusqua sa mère d’une voix tranchante. C’est pas la place d’une femme pantoute. Dans ces réunions-là, ça boit, ça sacre et ça se chamaille. Veux-tu bien me dire ce qu’une femme qui se respecte irait faire là ?
    Bernadette choisit de garder pour elle toutes les remarques qui lui passaient par la tête.

    Le samedi après-midi, le vent se leva et chassa enfin les nuages et l’humidité. Le souper fut servi de bonne heure chez les Beauchemin pour permettre à Donat de faire sa toilette et de partir tôt. D’ailleurs, un peu avant six heures, Xavier arriva à la ferme familiale.
    — On charge nos deux petits barils de bagosse et on y va, déclara Donat avec bonne humeur. On va avoir de quoi payer la traite à tous les boit-sans-soif du coin, je te le garantis. Cournoyer en a reçu autant et il va en apporter, lui aussi.
    Malgré la route ravinée par les pluies des derniers jours, le trajet entre Saint-Bernard et Saint-Zéphirin fut assez agréable et les deux frères croisèrent de nombreux partisans en route vers le lieu de la réunion. Celle-ci allait se tenir dans le champ de Casimir Camirand, à l’entrée du village, parce que le curé Moisan, obéissant au mandement de son évêque, avait refusé qu’elle se tienne sur le parvis de l’église, comme cela s’était toujours fait.
    À leur arrivée sur les lieux, Anthime Lemire, l’organisateur en chef, demanda aux Beauchemin d’aller stationner leur voiture en bordure du champ, à côté de celle d’Eugène Cournoyer. Même s’il restait près d’une heure avant l’arrivée prévue du candidat, il y avait déjà sur place une centaine d’hommes répartis en petits groupes.
    — Qu’est-ce qu’on fait si des Rouges viennent faire du trouble ? demanda Xavier à Lemire.
    — On va leur montrer à vivre, répondit l’autre avec un sourire mauvais. Mais ça me surprendrait qu’ils viennent bardasser, c’est pas une assemblée contradictoire.
    En fait, moins d’une heure plus tard, trois voitures s’arrêtèrent sur la route, près du champ où une foule plus que respectable s’était massée progressivement depuis le début de la soirée. Précédé d’Anthime Lemire et de quelques assistants, Pierre-Nérée Dorion se rendit à l’estrade improvisée en serrant les mains de ses partisans.
    Le politicien âgé d’une cinquantaine d’années avait de larges favoris gris et était vêtu d’une stricte redingote noire. Il attendit patiemment que l’un de ses accompagnateurs le présente à la foule avant de prendre la parole. Durant de longues minutes, l’homme parla de son expérience en politique municipale et de ses projets pour le comté de Drummond-Arthabasca. Ensuite, il se lança dans une charge à fond de train contre son adversaire, qui, selon lui, n’était qu’un amateur qui ne connaissait rien à la politique.
    — Sénécal n’a rien fait pour le comté pendant les cinq années qu’il a été là, expliqua le candidat conservateur. Il restait à Montréal. Comment

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