Au bord de la rivière T4 - Constant
intervint sœur Marie du Rosaire, fidèle à son habitude de se mêler de ce qui ne la regardait pas, c’est un bon prêtre bien charitable.
— Personne dit le contraire, ma tante, déclara Donat. Nous autres, on n’a pas encore fini notre collecte. Il nous reste à aller voir si le curé Moisan a pas quelque chose à nous donner.
— C’est bien effrayant d’obliger votre curé à se contenter des restes des autres, reprit Mathilde Beauchemin sur un ton convaincu.
— Ben oui, ma tante, mais il y a pas moyen de faire autrement.
La sœur de son défunt père était considérée, à juste titre, comme une véritable calamité sur deux pattes. Cette bavarde impénitente et effrontée avait un don pour braquer les gens en donnant son opinion sur tout. Lorsqu’elle arrivait quelque part, cette grosse et grande femme prenait toute la place, estimant que tout lui était dû.
— Vous allez manger un morceau avec nous autres, proposa Armand.
Cette invitation lui attira un regard noir de sa femme.
Les deux voyageurs ne se firent pas prier et partagèrent le repas de leurs hôtes, soit un bol de soupe aux pois et des cretons. Durant tout le dîner, les convives n’entendirent que la voix de sœur Marie du Rosaire. La sœur Grise parla de tout et de rien. Cependant, au moment du départ de son neveu, elle mentionna tout de même :
— Dis bien à ta mère que je l’ai pas oubliée et que j’ai bien l’intention d’aller passer quelques jours avec elle au mois de septembre.
— Je suis sûr que ça va lui faire ben plaisir, ma tante, mentit Donat en montant dans la charrette en compagnie d’Hormidas Meilleur.
Quelques instant plus tard, le boghei reprit la route.
— Je veux pas trop rien dire, fit Hormidas, mais ta tante religieuse a l’air d’être tout un numéro.
— Ça, vous pouvez le dire, père Meilleur, acquiesça le jeune cultivateur en réprimant mal une grimace.
— Tu sais, elle, je l’ai pas oubliée. Si je me trompe pas, je l’ai déjà ramenée une ou deux fois de la gare avec l’autre sœur. Elle m’avait donné mal à la tête avec son placotage.
Les deux hommes firent le reste du trajet en silence. À leur arrivée à Saint-Zéphirin, ils se dirigèrent immédiatement vers le presbytère. Ils allaient sonner à la porte quand ils aperçurent le curé Moisan en train de travailler dans son jardin. Essuyant la sueur qui perlait à son front, le prêtre au ventre confortable s’avança vers les visiteurs lorsqu’il vit la charrette remplie d’un surprenant bric-à-brac qui venait de s’immobiliser près de son presbytère.
Donat et Hormidas descendirent de voiture et expliquèrent au prêtre la raison de leur visite.
— Pauvres vous autres ! les plaignit le curé Moisan. J’ai bien peur que vous trouviez pas grand-chose de bon dans le grenier de mon presbytère. À Saint-Zéphirin, je serais bien surpris que la fabrique ait pas déjà jeté ses choux gras.
Devant l’air dépité des deux marguilliers, l’ecclésiastique leur proposa tout de même de demander à la servante de les laisser aller voir dans le grenier si quelque chose pouvait leur convenir. Hormidas remercia le prêtre qui retourna à son jardin sans se presser.
La ménagère du curé Moisan ne parut guère enchantée à l’idée de laisser deux parfaits inconnus fouiller dans le grenier.
— Je vais aller vous montrer où c’est, puisque monsieur le curé le veut, leur dit-elle, l’air revêche, mais arrangez-vous pas pour mettre de la poussière partout.
Ils montèrent à sa suite à l’étage de l’imposant bâtiment et ils s’arrêtèrent au bout d’un long couloir où ils trouvèrent une échelle suspendue.
— Vous avez juste à pousser la trappe, leur dit la vieille dame avant de tourner les talons, mais faites bien attention de pas briser quelque chose.
Donat et Hormidas se hissèrent dans le grenier où ils choisirent une vieille table en pin, quelques chaises au siège en paille défectueux, un canapé qui perdait son crin ainsi qu’une antique chaise berçante. Il leur fallut déployer beaucoup d’efforts pour descendre le tout et l’empiler dans leur charrette. Avant de reprendre la route, ils prirent la peine de remercier le brave curé Moisan qui leur avoua regretter de n’avoir rien de mieux à offrir à son confrère.
À la fin de l’après-midi, la charrette au contenu brinqueballant vint s’arrêter devant le nouveau presbytère de Saint-Bernard-Abbé. Il
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