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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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garçon, rétorqua-t-elle, le visage fermé. C’est presque l’heure du dîner.
    — Je le sais, mais j’ai bien de la besogne au moulin et monsieur le curé m’a dit qu’il avait hâte de les avoir.
    — Bon, tu peux me les donner, fit-elle en allongeant la main pour prendre possession de la paire de souliers noirs que le jeune homme tenait.
    — C’est soixante-quinze cennes, fit Constant sans bouger d’un pas.
    — Seigneur ! On dirait bien que ces souliers-là sont en or, protesta la veuve avec impatience. Donne-les-moi et je vais te rapporter l’argent, ajouta-t-elle, agacée par ce comportement assez inhabituel.
    — Écoutez, madame Mousseau, reprit le cordonnier. Monsieur le curé et moi, on s’est pas entendus sur qui allait payer ces souliers neufs là. Il m’a dit que ce serait le conseil, mais au conseil, on me dit que c’est à lui de payer cette dépense-là…
    — C’est correct, entre. Je vais aller te le chercher et vous vous arrangerez ensemble, trancha la ménagère.
    Elle le fit passer dans la petite salle d’attente et alla frapper à la porte de la pièce qui servait de bureau au curé Désilets. Constant entendit quelques murmures accompagnés d’une ou deux exclamations. Soudain, Josaphat Désilets apparut dans la salle d’attente, l’air plutôt mécontent.
    — Qu’est-ce qui se passe, mon garçon ?
    — Je vous ai apporté vos souliers neufs, monsieur le curé, répondit le jeune homme sans s’émouvoir.
    — Pourquoi tu t’es pas contenté de les laisser à ma servante ?
    — Parce que j’aimerais bien être payé aujourd’hui.
    — Je t’ai dit hier que le conseil devait régler ça, fit sèchement le prêtre.
    — C’est là qu’il y a un problème, monsieur le curé, poursuivit le cordonnier. J’en ai parlé à un marguillier et il m’a dit que c’était à vous de payer cette dépense-là.
    — Qui t’a dit ça ?
    — Donat Beauchemin.
    — Il a parlé à travers son chapeau, déclara tout net le prêtre.
    — Bon, écoutez, monsieur le curé. Moi, j’ai pas à me mêler de ces histoires-là. Tout ce que je sais, c’est que je travaille jamais à crédit. Je viens d’une famille de commerçants de Québec et mon père nous a toujours répété que faire crédit à un client, c’est souvent le meilleur moyen de le perdre.
    — Avant de te payer, fit l’ecclésiastique, l’air mauvais, je vais d’abord voir si ces souliers-là me font.
    Sur ces mots, il s’assit sur une chaise et retira ses vieux souliers. Constant lui tendit les souliers neufs que le prêtre s’empressa de chausser. Il se leva précautionneusement et fit quelques pas dans la pièce pour s’assurer que ses nouvelles chaussures ne le blessaient pas. Aucun sourire de satisfaction ne vint éclairer son visage.
    — Puis, monsieur le curé, êtes-vous confortable dans ces souliers-là ?
    — On va dire qu’ils vont faire l’affaire, déclara Josaphat Désilets sans entrain.
    Il tira comme à regret un petit porte-monnaie de l’une des poches profondes de sa soutane noire, l’ouvrit et compta les soixante-quinze cennes.
    — Bon, j’espère que t’es content, là ? fit le prêtre.
    — Vous connaissez le proverbe, monsieur le curé, répondit Constant. Les bons comptes…
    — … font les bons amis. Oui, je sais.
    — Ah ! À Québec, c’est pas ce qu’on dit. On dit que les bons comptes font les bons comptes, rétorqua le jeune homme sur un ton plaisant. En passant, monsieur le curé, n’allez surtout pas vous imaginer que je suis dur en affaires. C’est pas vrai. J’aime rendre service autant qu’un autre, mais j’aime aussi qu’on me montre un peu de reconnaissance dans ces cas-là.
    Il quitta le presbytère plutôt content de lui. Il espérait que Josaphat Désilets avait compris qu’il avait fait allusion à la fameuse horloge qu’il avait réparée pour lui.

    Cette journée-là fut éreintante pour Marie Beauchemin. Après le départ de Bernadette pour l’école, elle avait laissé le soin de laver la vaisselle aux deux religieuses pendant qu’elle entreprenait de laver les vêtements qu’elle étendait sur les deux longues cordes à linge derrière la maison. La petite femme de cinquante et un ans avait les traits tirés. Depuis le début du printemps, la grossesse difficile de sa bru avait fait en sorte qu’elle avait hérité de presque toutes les tâches ménagères de la grande maison.
    Comme elle ne pouvait décemment faire

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