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Au bord de la rivière T4 - Constant

Au bord de la rivière T4 - Constant

Titel: Au bord de la rivière T4 - Constant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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fini par endormir la petite Constance en la berçant et elle la tendit à Catherine pour qu’elle lui mette son petit manteau.
    — Où est-ce que t’as trouvé ce manteau-là ? demanda- t-elle à sa jeune belle-sœur.
    — Je l’ai fait la semaine passée, répondit l’épouse de Xavier.
    Marie s’approcha pour examiner le vêtement.
    — Mais tu couds bien sans bon sens, fit-elle.
    — Pas tant que ça, madame Beauchemin. Je fais juste me débrouiller avec ce que ma mère m’a appris.
    — Bien, tu la féliciteras parce que, moi aussi, j’ai cousu du linge pour les enfants quand ils étaient jeunes et c’était jamais aussi bien fait.
    Catherine rougit sous le compliment.
    — Ma femme est pleine de qualités, m’man, intervint Xavier sur un ton plaisant après avoir allumé le fanal qu’il allait suspendre à l’avant de son boghei.
    — C’est normal qu’une femme sache filer, tisser, repriser et coudre, laissa tomber sœur Marie du Rosaire d’une voix un peu dédaigneuse.
    — Il y a coudre et coudre, ma tante, répliqua Bernadette.
    — Et j’en connais qui auraient dû apprendre au moins à repriser, intervint la maîtresse de maison, sarcastique. Elles auraient un voile et un rabat qui auraient plus de bon sens.

    Durant la nuit suivante, le temps changea brusquement. Le vent se leva et s’amusa à faire grincer la girouette posée sur le pignon de la maison des Beauchemin. Quand Donat sortit pour aller aux toilettes sèches au bout de la remise, il se rendit compte que les feuilles de ses érables plantés près de la maison voletaient dans les airs et venaient se plaquer frileusement contre les murs extérieurs. Quand il rentra, il jeta un regard vers le ciel. Il était totalement bouché et la lune se dissimulait derrière de lourds nuages.
    — Torrieu ! J’espère qu’on va au moins avoir le temps de fumer le deuxième champ avant que la pluie s’amène.
    Cette inquiétude du jeune cultivateur n’avait aucune commune mesure avec l’angoisse que vivait sœur Marie du Rosaire dans la petite chambre verte qu’elle partageait avec sa consœur à l’étage. Elle avait été brusquement réveillée un peu avant minuit autant par les hurlements du vent que par certains trottinements dont elle connaissait trop bien l’origine.
    — Mon Dieu, pas encore des mulots ! chuchota-t-elle en espérant être entendue par sœur Sainte-Anne qui dormait comme une bienheureuse à ses côtés.
    Durant de longues minutes, la religieuse s’interrogea sur la meilleure conduite à tenir, recroquevillée dans son lit et les couvertures remontées sous le menton. Le tiroir visité la veille par les bêtes malfaisantes était vide. Elle avait placé sous son oreiller son rabat et son voile. Mais avait-elle bien fait ? Rien ne prouvait que les mulots, déçus de ne rien trouver à grignoter ne s’en prendraient pas aux occupantes du lit. À cette seule pensée, la grande et grosse femme en avait des frissons et elle sentait la peur monter progressivement en elle.
    Elle prit soudain la décision de réveiller sa compagne.
    — Ma sœur ! Ma sœur ! dit-elle à mi-voix à sœur Sainte-Anne en la secouant d’importance, ils sont revenus.
    Mal réveillée, la petite religieuse leva la tête de son oreiller pour demander en se frottant les yeux :
    — De quoi vous parlez, ma sœur ?
    — Des saudits mulots !
    — C’est pas grave, fit sa compagne en se laissant retomber sur son oreiller. Ils vont repartir.
    — On devrait dire un chapelet, suggéra Mathilde Beauchemin.
    — Ah non, ma sœur ! protesta sœur Sainte-Anne. Moi, je suis trop endormie. Essayez de fermer les yeux, vous aussi.
    Là-dessus, elle lui tourna carrément le dos et moins d’une minute plus tard, ses ronflements indiquaient qu’elle dormait déjà. Dépitée et mécontente, sœur Marie du Rosaire resta un long moment assise dans le lit, hésitant entre réveiller à nouveau sa compagne ou prendre le risque de quitter la chambre pour descendre au rez-de-chaussée où elle se sentirait beaucoup plus en sécurité.
    — Tant pis pour elle si elle se fait manger par les mulots, dit-elle, mauvaise, en posant un épais châle de laine sur ses épaules et en chaussant ses pantoufles.
    Elle aurait bien attendu d’être hors de la chambre pour allumer la lampe de service, mais sa crainte de marcher sur un mulot ou d’être attaquée par l’un d’entre eux l’incita à l’allumer dans la chambre, même si elle

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