Au bord de la rivière T4 - Constant
Rosaire, suivie par Ernest et Donat. Durant quelques minutes, on plaisanta beaucoup sur la peur irraisonnée des mulots de la religieuse, ce qui eut enfin le don de la faire taire.
Après avoir soigné les animaux, on déjeuna de galettes de sarrasin abondamment nappées de beurre ou de mélasse. Donat était de bonne humeur parce que pour la première fois depuis deux semaines, Eugénie avait quitté le lit et semblait maintenant complètement rétablie. De plus, les vents violents de la nuit avaient chassé les nuages, ce qui allait lui permettre d’achever le fumage de ses champs.
— Monsieur le curé va avoir du beau temps pour aller à Trois-Rivières, dit-il en se levant de table pour s’asseoir près du poêle.
Il alluma sa pipe, satisfait de s’accorder une courte pause avant d’aller travailler. Bernadette s’empara de son sac d’école et quitta la maison. Par ailleurs, Marie et Eugénie, aidées par les deux religieuses, entreprirent de ranger la cuisine d’été et de laver la vaisselle du déjeuner.
Au moment où on s’apprêtait à monter à l’étage pour aller remettre de l’ordre dans les chambres à coucher, le bruit d’une voiture entrant dans la cour de la ferme poussa la maîtresse de maison à tourner la tête vers l’une des fenêtres.
— C’est Hubert qui arrive ! annonça-t-elle, toute joyeuse.
— C’est ben ce qu’il avait annoncé dans sa lettre envoyée chez Dionne, déclara Donat en quittant sa chaise pour aller au-devant de son jeune frère qu’il n’avait pas vu depuis le mariage de Xavier au mois de juillet précédent.
Tous les autres le suivirent sur la galerie et entourèrent le nouvel arrivant pour lui souhaiter la bienvenue. Le fils cadet de Baptiste Beauchemin était un grand jeune homme costaud de presque vingt-deux ans à l’air sérieux. Il ressemblait de plus en plus à son frère Xavier.
— On va rentrer dans la maison. On n’est pas obligés de rester dehors à geler comme des cotons de blé d’Inde, fit Donat en ouvrant la porte moustiquaire.
— J’espère que tu vas rester avec nous autres un bon bout de temps, fit sa mère en invitant Hubert à entrer dans la maison.
— J’ai ben l’intention de donner un coup de main à finir au moins la besogne d’automne avant de m’occuper de la fromagerie, lui répondit son fils, mais tout ça va dépendre pas mal de Télesphore Dionne. C’est lui qui va mettre de l’argent dans cette fromagerie-là.
— Mais j’y pense, intervint Marie, t’as tout de même pas voyagé pendant la nuit ! Comment ça se fait que t’arrives de Dunham aussi de bonne heure ?
— C’est parce que je suis arrivé à Saint-Bernard hier soir, lui répondit Hubert.
— Viens pas me dire que t’es allé coucher chez les Dionne quand t’étais presque rendu chez vous ?
— Voyons, m’man ! protesta le jeune homme, surpris que sa mère ait pu avoir une telle idée. Vous devriez connaître les Dionne depuis assez longtemps pour savoir qu’ils auraient pas jugé convenable que je couche dans la même maison que leur fille. Non, hier, je suis arrivé à Saint-Bernard un peu après sept heures et il commençait à faire noir. J’ai décidé d’arrêter pour dire bonjour à Xavier et à sa femme en passant. J’ai trouvé Antonin tout seul, assis au bout de la table, en train de faire une patience. Il faisait pitié. Quand il m’a dit qu’ils allaient revenir de bonne heure avec la petite qu’ils ont adoptée, ça a été plus fort que moi, j’ai voulu la voir. Après tout, je suis son oncle. Ils sont revenus avec la petite un peu après huit heures et demie et Catherine s’est dépêchée de me la mettre dans les bras.
— Est-ce qu’elle est assez belle, cette enfant-là ? lui demanda sa mère avec enthousiasme.
— On peut pas avoir mieux, reconnut le grand jeune homme en constatant à quel point sa mère s’était entichée de Constance. Il faut dire qu’elle est pas mal ratoureuse. Elle a l’air d’avoir le tour de se faire aimer, ajouta-t-il en adressant un clin d’œil aux gens présents autour de lui. En tout cas, de fil en aiguille, j’ai jasé avec Xavier et sa femme jusque vers onze heures. Quand j’ai voulu prendre le chemin pour rentrer, ils m’ont invité à coucher chez eux et j’ai pas pu refuser. Ça fait qu’à matin, j’ai aidé à faire le train avant de déjeuner et d’atteler.
— Parlant d’atteler, intervint sœur Marie du Rosaire qui se sentait
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