Au Coeur Du Troisième Reich
construction comparable en béton armé, impeccable du point de vue statique. Des spécialistes allemands avaient calculé que même une voûte massive d’une telle portée était possible. Suivant ma conception de la « valeur des ruines », j’aurais aimé éviter l’utilisation de l’acier, mais Hitler me fit l’objection suivante : « Il se pourrait qu’une bombe tombe sur la coupole, endommageant la voûte, comment ferez-vous alors pour la réparer, s’il y a danger d’écroulement ? » Il avait raison, aussi fîmes-nous construire une charpente d’acier à laquelle devait être suspendue l’intrados de la coupole. Mais les murs devaient être, comme à Nuremberg, de construction massive. Les énormes pressions produites par la coupole et les murs devaient être absorbées par des fondations particulièrement résistantes. Les ingénieurs se décidèrent pour un bloc de béton dont le volume aurait été de plus de 3 millions de mètres cubes. Pour vérifier l’exactitude de nos calculs concluant à un enfoncement de quelques centimètres dans les sables de la Marche, un essai fut fait près de Berlin 7 . Abstraction faite des dessins et des photos de maquettes, c’est aujourd’hui le seul témoignage qui reste de ce projet.
Alors que nous en étions encore au stade de l’élaboration des plans, j’avais vu l’église Saint-Pierre de Rome. J’avais été déçu parce que ses dimensions n’étaient pas en rapport avec l’impression réelle que ressent l’observateur. Je m’aperçus alors que, déjà pour cet ordre de grandeur, l’impression n’est pas proportionnelle aux dimensions de l’édifice. Je craignis dès lors que notre Grand Dôme ne répondît pas à l’attente de Hitler.
Le spécialiste des questions de protection aérienne au ministère de l’Air du Reich, le conseiller ministériel Knipfer, avait eu vent de ce projet de construction géante. Il venait justement de promulguer un décret comportant des directives applicables à toutes les nouvelles constructions qui, à l’avenir, devaient être aussi dispersées que possible pour réduire les effets des attaques aériennes. Et maintenant allait surgir au centre du Reich, au centre même de sa capitale, un édifice qui sortirait des couches basses de nuages et serait un point de repère idéal pour les escadrilles de bombardiers ennemis, une sorte de poteau indicateur menant au centre gouvernemental du Reich situé exactement au nord et au sud de la coupole. Je fis part de ces craintes à Hitler, mais il était optimiste : « Göring m’a assuré, me dit-il, qu’aucun avion ennemi ne pourrait survoler l’Allemagne. Ne nous laissons pas troubler dans nos projets. »
Il tenait obstinément à cette idée de dôme, idée qu’il avait conçue peu après sa détention en forteresse et à laquelle il s’était accroché pendant quinze ans. Lorsqu’il apprit, nos plans une fois achevés, que l’Union soviétique projetait de construire à Moscou en l’honneur de Lénine un centre de congrès de plus de 300 mètres de hauteur, il en fut extrêmement irrité. Il était manifestement dépité de ne pas être celui qui construirait l’édifice le plus haut du monde ; en même temps lui pesait le sentiment de ne pouvoir, d’un simple ordre, contrecarrer l’intention de Staline. Il finit par s’en consoler, arguant que sa construction serait quand même unique au monde : « Un gratte-ciel de plus ou de moins, un peu plus haut, un peu plus bas, qu’est-ce que cela signifie ? Le Dôme, voilà ce qui distingue notre édifice de tous les autres ! » Mais après l’ouverture des hostilités contre l’Union soviétique, je pus remarquer, à l’occasion, que la pensée de la construction concurrente de Moscou le hantait plus qu’il ne voulait l’admettre. « Maintenant, dit-il, c’en est fini pour toujours de leur édifice. »
Le Grand Dôme était entouré sur trois côtés de plans d’eau dans lesquels il se reflétait, ce qui venait renforcer l’effet qu’il produisait. On pensait alors élargir la Spree aux dimensions d’un lac ; pour cela le trafic fluvial aurait dû passer sous le parvis de l’édifice, dans un tunnel à deux voies. Le quatrième côté orienté au sud dominait la grande place, la future « place Adolf-Hitler ». C’est là que devaient avoir lieu chaque année les manifestations du 1 er Mai organisées jusqu’alors sur l’esplanade de Tempelhof 8 .
Le
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