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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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véhicules blindés en roulant sur toute la largeur de cette avenue, il n’y aura pas de résistance possible. » Soit que l’Armée de terre ait eu vent de ces dispositions et qu’elle ait voulu être sur les lieux avant les SS, soit que Hitler en ait de lui-même décidé ainsi, de toute façon, à la demande du hautcommandement de l’Armée de terre et avec l’approbation de Hitler, on attribua au régiment de garde berlinois Grossdeutschland un terrain où construire une caserne encore plus proche du centre gouvernemental hitlérien  15  .
    La façade que j’avais dessinée pour le palais de Hitler – un Hitler résolu, le cas échant, à faire tirer sur la population – reflétait, sans que je m’en sois rendu compte, le divorce survenu entre le Führer et son peuple. Elle ne comportait aucune autre ouverture que le grand portail d’entrée en fer et une porte ouvrant sur un balcon d’où Hitler pouvait se montrer à la foule ; mais ce balcon était maintenant à 14 mètres au-dessus de la place, au niveau d’un cinquième étage. Cette façade singulièrement peu engageante me semble, aujourd’hui encore, symboliser l’attitude de ce Führer qui s’était retiré du monde pour s’installer dans les sphères du narcissisme.
    Pendant ma détention, ce projet, avec ses mosaïques rouges, ses colonnes, ses lions de bronze et ses moulures dorées, avait pris dans mon souvenir un caractère serein, presque aimable. Mais lorsque je revis, avec un recul de vingt et un ans, les photos en couleurs de cette maquette, elles me firent penser spontanément à l’architecture pompense d’un film de Cécil B. De Mille. Je pris conscience que cette architecture possédait, outre son aspect fantastique, un aspect cruel, exprimant bien la nature d’une tyrannie.
    Avant la guerre, je m’étais moqué d’un encrier dont l’architecte Brinckmann – à l’origine architecte décorateur de bateaux, tout comme Troost – avait fait cadeau à Hitler. Brinckmann avait fait de cet objet utilitaire une pompeuse construction à étages chargée de multiples ornements et fioritures avec, solitaire et perdue au milieu de toute cette pompe de « l’encrier du chef de l’État », une minuscule flaque d’encre. Je croyais alors n’avoir jamais rien vu d’aussi monstrueux. Mais, contre toute attente, Hitler ne refusa pas ce bronze à encre, au contraire, il le loua sans mesures. Brinckmann n’eut pas moins de succès avec un fauteuil de bureau qu’il avait conçu pour Hitler et qui, par ses dimensions, aurait convenu à Göring ; il ressemblait à une sorte de trône, orné de deux énormes pommes de pin dorées, placées sur le bord supérieur du fauteuil. Ces deux objets, par leur faste ampoulé, me semblaient être d’un goût de parvenu. Mais à partir de 1937 Hitler encouragea cette tendance au pompeux en lui témoignant une approbation toujours plus grande. Il était revenu à son admiration première pour la Ringstrasse de Vienne, s’éloignant lentement mais toujours davantage des leçons de Troost.
    Et moi avec lui ; car mes esquisses de cette époque n’avaient plus grand-chose de commun avec ce que je considérais comme « mon style ». En fait je tournais le dos à mes débuts, comme en témoignaient non seulement la pompeuse démesure de mes édifices, mais encore l’abandon de ce style dorique auquel j’avais aspiré. Mon architecture était tout simplement devenue de l’ « art décadent ». La richesse, les moyens inépuisables mis à ma disposition et aussi l’idéologie de Hitler m’avaient conduit à un style qui s’apparentait plutôt à celui des palais fastueux des despotes orientaux.
    Au début de la guerre, j’avais bâti une théorie que j’avais exposée à Paris, en 1941, lors d’un repas chez Maxim’s, devant un groupe d’artistes français et allemands parmi lesquels se trouvaient Cocteau et Despiau : la Révolution française, expliquai-je, avait remplacé le rococo décadent par une nouvelle conception du style. Même des meubles très simples avaient alors de très belles proportions. Cette conception avait trouvé sa plus pure expression dans les projets de constructions de Boullée. A ce style de la Révolution avait succédé le « Directoire », qui avait encore utilisé avec aisance et goût des moyens plus riches. Ce n’était qu’avec le « style Empire » qu’un tournant était survenu : d’année en année plus nombreux, des éléments

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