Au Coeur Du Troisième Reich
il peut profiter d’une telle mise en scène. De tels lieux, quand ils sont empreints d’un passé historique, élèvent même un successeur sans envergure à un rang historique. Voyez-vous, c’est la raison pour laquelle nous devons construire tout cela de mon vivant ; afin que j’aie vécu là et que mon esprit confère une tradition à cet édifice. Même si je n’y vis que quelques années, cela suffira. »
Hitler avait déjà exprimé de pareilles idées dans les discours qu’il prononça devant les ouvriers travaillant à la Chancellerie du Reich en 1938, sans bien sûr révéler quoi que ce soit de ses projets, pourtant assez avancés à l’époque : comme Führer et chancelier de la nation allemande, avait-il dit alors, il n’irait pas dans d’anciens châteaux ; c’est pour cette raison qu’il n’avait pas accepté de s’installer dans le palais du président du Reich, car il ne voulait pas habiter la maison de l’ancien grand maréchal de la Cour. Pourtant, à cet égard aussi, l’État serait représenté à l’égal de n’importe quel roi ou empereur étranger 13 .
Pourtant à l’époque Hitler interdit d’évaluer le coût de ces constructions et, obéissants, nous négligions même d’en calculer le cubage. Ces calculs, je viens de les faire pour la première fois maintenant, un quart de siècle après. Ils donnent le tableau suivant :
1.
Grand Dôme
21 000 000 m 3
2.
Palais résidentiel
1 900 000 m 3
3.
Chancellerie du Reich
1 200 000 m 3
4.
Chancelleries du parti, du protocole, des Affaires privées.
200 000 m 3
5.
Haut Commandement de la Wehrmacht
600 000 m 3
6.
Nouveau bâtiment du Reichstag
350 000 m 3
25 250 000 m 3
Bien que le volume des constructions en eût réduit le prix au mètre cube, les frais globaux eussent été à peine imaginables, car ces installations gigantesques nécessitaient des murs énormes et des fondations en rapport ; en outre, les murs extérieurs auraient été en granit précieux, les murs intérieurs en marbre, les portes, fenêtres, plafonds, etc., réalisés dans les matériaux les plus précieux. Il est probable que la somme de cinq milliards de deutsche marks, rien que pour les bâtiments de la place Adolf-Hitler, est une estimation encore trop modeste 14 .
Le changement brusque survenu dans le moral de la population, le désenchantement qui s’empara de toute l’Allemagne en 1939 ne se manifestaient pas seulement dans la nécessité d’organiser des mobilisations d’allégresse, alors que Hitler, deux ans plus tôt, pouvait compter sur la spontanéité du peuple. Lui aussi de son côté s’était soustrait entre-temps à l’admiration des masses. Il lui arrivait maintenant plus souvent qu’avant de se renfrogner et de s’impatienter, quand parfois la foule se rassemblait sur la Wilhelmplatz pour le réclamer. Deux ans plus tôt il était sorti nombre de fois sur son « balcon historique », mais à présent, lorsque ses aides de camp le priaient de se montrer, il n’était pas rare qu’il les rabrouât : « Laissez-moi donc tranquille ! »
Cette remarque peut paraître secondaire. Il n’en demeure pas moins que ce changement d’attitude joua un rôle dans la configuration de la nouvelle place Adolf-Hitler. Hitler en effet me déclara un jour : « Il n’est quand même pas exclu que je sois une fois obligé de prendre des mesures impopulaires. Peut-être y aura-t-il alors une révolte. Il faut se prémunir contre cette éventualité : toutes les fenêtres des bâtiments donnant sur cette place devront être munies de lourds volets blindés coulissants en acier, les portes elles aussi devront être en acier, et l’unique accès de la place doit être fermé par une lourde grille de fonte. Le centre du Reich doit pouvoir être défendu comme une forteresse. »
Cette remarque trahissait une inquiétude qui jadis lui avait été étrangère, et qui perça de nouveau lors des discussions concernant l’emplacement de la caserne de sa garde personnelle, la Leibstandarte , qui avait pris une telle ampleur qu’elle était devenue un régiment entièrement motorisé, pourvu d’un armement des plus modernes. Il déplaça son cantonnement, pour le mettre dans les environs immédiats du grand axe sud : « Pensez donc, si un jour il y avait des manifestations de rue 1 » Et me montrant l’avenue large de 120 mètres : « S’ils montent me rejoindre avec leurs
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