Au Coeur Du Troisième Reich
devenait nerveuse, que la période de l’automne, propice sur le plan météorologique, serait bientôt passée et que l’on pouvait craindre que les unités, dans la période de pluie qui commencerait ensuite, ne courent le danger de s’embourber dans la boue polonaise.
On échangea des notes avec l’Angleterre sur la question polonaise. Donnant l’impression d’être surmené, dans le jardin d’hiver de son appartement de la Chancellerie, Hitler déclara un soir avec conviction, devant le cercle restreint de ses habitués : « Nous ne commettrons pas une nouvelle fois l’erreur de 1914. Il s’agit maintenant de rejeter la faute sur l’adversaire. En 1914, on s’y était vraiment très mal pris. Or à nouveau les projets de notes qu’établissent les Affaires étrangères sont tout simplement inutilisables. Ces notes, il vaut mieux que je les rédige moi-même. » Tout en parlant ainsi, il avait à la main une feuille écrite, sans doute un projet de note des Affaires étrangères. Il prit rapidement congé, sans prendre part au repas et disparut dans les pièces du haut. J’ai lu plus tard en prison cet échange de notes. Mais je n’ai pas eu l’impression que les desseins de Hitler aient connu quelque succès.
Hitler fut renforcé dans sa conviction qu’après la capitulation de Munich, les Occidentaux allaient à nouveau se montrer conciliants, par une information du service de renseignements, selon lequel un officier de l’état-major britannique, s’étant renseigné sur la force de l’armée polonaise, était arrivé à la conclusion que la Pologne s’effondrerait rapidement. Hitler nourrit alors l’espoir que l’état-major britannique ferait tout pour déconseiller à son gouvernement de se lancer dans une guerre si désespérée. Lorsque, le 3 septembre, les ultimatums des puissances occidentales furent suivis des déclarations de guerre, Hitler, après un moment de consternation, se consola en remarquant que l’Angleterre et la France n’avaient manifestement déclaré la guerre qu’en apparence, pour ne pas perdre la face devant le monde ; il était convaincu que, malgré la déclaration de guerre, il n’y aurait pas d’opérations militaires. En conséquence, il ordonna à la Wehrmacht de rester strictement sur la défensive et crut avoir fait preuve, par cette décision, d’une grande perspicacité politique.
Un calme inquiétant succéda à l’agitation fébrile des derniers jours d’août. Pendant quelque temps, Hitler retrouva son rythme de vie habituel, il recommença même à s’intéresser à ses projets d’architecture. Il expliqua à ses convives : « Il est vrai que nous sommes en état de guerre avec l’Angleterre et la France, mais si de notre côté nous évitons d’engager le combat, l’affaire se perdra dans les sables. Si jamais nous coulons un bateau – avec les pertes que cela suppose –, le parti de la guerre, chez l’adversaire, s’en trouvera renforcé. Vous n’avez aucune idée de ce que sont ces démocraties ; elles ne demandent pas mieux que de trouver une porte de sortie. Elles laisseront froidement tomber la Pologne ! » Même lorsque des sous-marins allemands se trouvèrent en position favorable devant le bateau de guerre français Dunkerque , il ne leur donna pas l’autorisation d’attaquer. Seules l’attaque aérienne britannique contre Wilhelmshaven et la perte de l’Athenia signifièrent la ruine de ces calculs.
Incorrigible, il continuait à penser que les Occidentaux étaient trop faibles, trop mous et décadents pour commencer sérieusement la guerre. Sans doute lui était-il pénible d’avouer à son entourage, et surtout de devoir s’avouer aussi à lui-même qu’il s’était si lourdement trompé. Je me souviens encore de son ahurissement lorsque arriva la nouvelle que Churchill allait entrer dans le cabinet de guerre britannique comme ministre de la Marine. Ce sinistre communiqué de presse à la main, Göring franchit la porte du grand salon de Hitler. Il s’affala dans le fauteuil le plus proche et déclara, fatigué : « Churchill dans le gouvernement, cela veut dire que la guerre va vraiment commencer. Maintenant, nous sommes vraiment en guerre avec l’Angleterre. » C’est à des réactions comme celles-là et à d’autres du même ordre qu’on put s’apercevoir que la guerre ne commençait pas comme Hitler se l’était imaginé. Aussi commença-t-il à perdre visiblement par instants
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