Au Coeur Du Troisième Reich
les premières attaques aériennes massives approchaient. En même temps, notre économie de guerre était, elle aussi, à un tournant ; en effet, jusqu’à l’automne 1941, l’économie avait été gérée en prévision de guerres courtes, séparées par de longs intervalles d’accalmie. Maintenant c’était la guerre permanente qui commençait.
A mon sens, la mobilisation de toutes les ressources de la nation concernait, au premier chef, les hommes qui étaient à la tête de la hiérarchie du parti. Cela me paraissait se justifier d’autant plus que Hitler lui-même avait solennellement déclaré, le 1 er septembre 1939, au Reichstag, qu’il n’y avait aucun sacrifice qu’il ne soit lui-même prêt à consentir sur-le-champ.
De fait, Hitler approuva la proposition par laquelle je suggérai de suspendre tous les travaux qu’il faisait encore exécuter, même ceux de l’Obersalzberg. Je pus donc me réclamer de l’accord de Hitler, quinze jours après mon entrée en fonctions, quand je pris la parole devant nos censeurs les plus difficiles à convaincre, c’est-à-dire les Gauleiter et les Reichsleiter : « Les travaux à exécuter plus tard en temps de paix ne doivent plus jamais entrer en ligne de compte et influencer nos décisions. J’ai reçu du Führer l’ordre de lui signaler dorénavant les activités de ce genre, qui ne peuvent que freiner notre production d’armements et n’ont plus à être entreprises. » C’était une menace non déguisée, même si j’admettais en poursuivant que chacun d’entre nous avait pu avoir jusqu’à l’hiver de cette année des désirs personnels. Mais la situation militaire exigeait désormais que tous les travaux superflus fussent suspendus dans les différentes régions. Il était de notre devoir de donner le bon exemple, même si les économies de main-d’œuvre et de matériaux ainsi réalisées n’étaient pas considérables.
J’étais convaincu que, malgré le ton monotone sur lequel je lisais mon discours rédigé au brouillon, tous mes auditeurs souscriraient à l’appel que je lançais. Mais lorsque j’eus terminé, je fus assiégé par une meute de Gauleiter et de Kreisleiter, qui voulaient obtenir des permis exceptionnels pour divers projets de travaux. Le premier d’entre eux était le Reichsleiter Bormann en personne, qui avait profité entre-temps de l’irrésolution deHitler, pour obtenir un contrordre. En fait, les ouvriers qui travaillaient sur les chantiers de l’Obersalzberg, et à qui il fallait en plus fournir des camions, des matériaux et du carburant, restèrent sur place jusqu’à la fin de la guerre, malgré l’ordre d’interrompre les travaux, que j’avais derechef obtenu de Hitler trois semaines après ce discours 4 .
Ensuite ce fut au tour du Gauleiter Sauckel de jouer des coudes afin d’obtenir des garanties pour l’aménagement de son « Forum du parti » à Weimar ; lui aussi put continuer ses travaux jusqu’à la fin de la guerre sans être inquiété. Robert Ley se battit pour la porcherie qu’il voulait construire. Je devais, assurait-il, soutenir son projet, car ses expériences étaient d’une grande importance pour nos problèmes alimentaires. Je lui écrivis pour rejeter sa requête non sans m’accorder le plaisir de libeller plaisamment l’adresse : « Au Directeur de l’organisation politique du N.S.D.A.P. et chef du Front du travail allemand. Objet : votre porcherie ! »
Après mon discours, Hitler lui-même, outre qu’il autorisa les travaux de l’Obersalzberg, fit également aménager, non loin de Salzbourg, le château de Klessheim, qui avait été laissé à l’abandon ; on en fit une luxueuse résidence destinée aux invités du Führer et l’opération coûta plusieurs millions de marks. Près de Berchtesgaden, Himmler construisit en grand secret une vaste villa pour sa maîtresse, chose que je n’appris que dans les dernières semaines de la guerre. Après 1942, encouragé par Hitler, un Gauleiter faisait transformer le château de Posen et un hôtel, à grands renforts de matériaux prohibés, et il se faisait bâtir une résidence privée à proximité de la ville. En 1942 et 1943 on utilisait encore des matières premières très utiles et on employait des ouvriers spécialisés pour fabriquer de nouveaux trains spéciaux pour Ley, Keitel et d’autres. Évidemment, les fonctionnaires du parti me tenaient presque toujours dans l’ignorance de leurs
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