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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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spontanéité avait été étouffée. Pour ma part je pensais, comme je l’avais déclaré un jour, que l’industrie ne cherchait pas « à nous tromper sciemment, ni à nous voler, ni à causer quelque tort que ce soit à l’économie de guerre 11   ».
    Mes méthodes constituaient pour le parti une véritable provocation, je m’en rendis compte après l’attentat du 20 juillet 1944. J’eus alors à affronter de violentes critiques et je fus obligé d’écrire à Hitler pour défendre mon système fondé sur la délégation des responsabilités 12  .
    Paradoxalement, on vit se dessiner à partir de 1942, dans les États belligérants, une évolution qui allait en sens inverse. Alors que les Américains, par exemple, se voyaient contraints de raffermir leurs structures industrielles par la voie autoritaire, nous tentâmes d’assouplir notre système d’économie dirigée. Ce système avait supprimé toute possibilité pour la base d’adresser des critiques en haut lieu et, au fil des ans, on en était arrivé à une situation telle qu’au sommet on était dans l’ignorance complète de tous les vices de fonctionnement, des pannes, des erreurs de planification, des fabrications parallèles. Notre action entraîna de nouveau laformation d’assemblées où il était possible de discuter, de déceler les carences ou les erreurs et de se concerter sur la manière d’y remédier. Souvent nous disions en plaisantant que nous étions en train de rétablir le système parlementaire 13  . Notre nouveau système avait créé l’une des conditions permettant de compenser les faiblesses de tout régime autoritaire. Les affaires importantes ne devaient plus être réglées uniquement selon la procédure militaire, c’est-à-dire par des ordres qui se transmettent du haut en bas de la hiérarchie. Bien sûr, cela impliquait, à la tête des assemblées évoquées plus haut, la présence d’hommes qui laissent s’exprimer le pour et le contre, avant de prendre une décision lucide et fondée.
    Le plus extravagant, c’est que ce système fut accueilli avec des réserves par ceux des chefs d’entreprises à qui, dès le début de mon ministère, j’avais envoyé une circulaire pour les inviter à me faire part « de leurs difficultés et de leurs observations essentielles plus largement qu’auparavant ». Je m’attendais à recevoir des monceaux de lettres, mais mon appel resta sans écho. Je commençai par me méfier et par me demander si on n’interceptait pas mon courrier, mais en fait personne n’avait répondu. Comme je l’appris par la suite, les chefs d’entreprises ayant eu peur de se faire rappeler à l’ordre par les Gauleiter.
    Les critiques émanant du sommet ne manquaient pas, loin de là, mais leur complément nécessaire, c’est-à-dire les suggestions venues d’en bas, était presque impossible à obtenir. Devenu ministre, j’eus souvent le sentiment de planer au-dessus des réalités, parce que mes décisions ne suscitaient aucune réaction critique.
    Le succès de notre action est à porter au compte des milliers de techniciens qui s’étaient jusque-là signalés par la valeur de leurs travaux et à qui fut confiée la responsabilité entière de certaines branches de l’industrie d’armement. Cette responsabilité ranima leur enthousiasme endormi ; ma direction peu conformiste les incita à s’engager davantage. Au fond, j’exploitai cette attitude, fréquente chez les techniciens, qui consiste à se consacrer à son travail sans se poser de questions. Le rôle du technicien étant apparemment dégagé de tout aspect moral, il n’y eut pendant longtemps de leur part aucune réflexion sur la valeur de leur propre activité. Cette attitude devait avoir des répercussions d’autant plus dangereuses que, dans cette guerre, la technique prenait une importance de plus en plus grande : le technicien n’était plus en mesure d’apercevoir les conséquences de son activité anonyme.
    Pour moi, « je préférais les collaborateurs envahissants aux dociles exécutants  14   » ; le parti, en revanche, se méfiait beaucoup des spécialistes apolitiques. Si l’on avait commencé par fusiller quelques chefs d’entreprises, les autres réagiraient sûrement et obtiendraient des résultats supérieurs, disait Sauckel, qui a toujours été l’un des ultras parmi les dirigeants du parti.
    Pendant deux années, ma position resta inattaquable. Après le putsch du 20 juillet,

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