Au Coeur Du Troisième Reich
méthodiquement sans prendre aucun risque inutile, était une stratégie incompatible avec son caractère. Il y eut pourtant une chose qu’il comprit cette nuit-là, c’est que le deuxième front commençait à devenir une réalité.
Je me souviens encore à quel point je fus choqué le lendemain par le grand discours que Hitler prononça pour la commémoration annuelle du putsch manqué de 1923. Au lieu de faire allusion à la gravité de la situation, de lancer un appel pour que le pays mobilise toute son énergie, Hitler n’eut que des phrases médiocres pour proclamer sa confiance et sa certitude de la victoire : « Ils sont bien bêtes – cette apostrophe s’adressait à nos ennemis, dont la veille encore il avait suivi les opérations avec respect – s’ils s’imaginent qu’ils pourront un jour écraser l’Allemagne… Nous ne tomberons pas, par conséquent ce sont les autres qui tomberont. »
A la fin de l’automne de 1942, Hitler annonça triomphalement au cours d’une conférence d’état-major : « Voilà que les Russes envoient leurs cadets au combat 8 . C’est la meilleure preuve qu’ils sont au bout de leur rouleau. Quand on sacrifie les officiers en herbe, c’est qu’on n’a plus rien. »
Quelques semaines plus tard, le 19 novembre 1942, Hitler, qui s’était retiré depuis quelques temps sur l’Obersalzberg, reçut les premières nouvelles de la grande offensive d’hiver déclenchée par les Russes, qui devait aboutir neuf semaines plus tard à la capitulation de Stalingrad 9 . L’artillerie russe avait procédé à un violent pilonnage préparatoire, ensuite de puissantes unités soviétiques avaient rompu les lignes des divisions roumaines près de Serafinow. Hitler tenta d’abord d’expliquer et de minimiser cette catastrophe par des remarques méprisantes sur la piètre valeur guerrière de ses alliés. Mais, peu de temps après, les troupes soviétiques réussirent à enfoncer à leur tour des divisions allemandes ; le front commençait à s’effondrer.
Hitler arpentait la grande salle du Berghof : « Nos généraux retombent dans leurs vieilles erreurs. A chaque fois ils surestiment les forces des Russes. Tous les rapports qui arrivent du front affirment que les effectifs en hommes de l’ennemi sont devenus insuffisants. Mais évidemment personne ne veut tenir compte de ces rapports. Et puis surtout, les officiers russes sont bien incapables de mettre au point une offensive, avec la piètre formation qu’ils ont reçue ! Nous, nous savons ce que cela nécessite, d’organiser une offensive ! D’un moment à l’autre les Russes vont tout simplement s’arrêter, épuisés. Pendant ce temps nous engagerons quelques divisions fraîches, qui rétabliront la situation. » Dans sa retraite du Berghof, il ne se rendait pas compte de ce qui se préparait. Mais trois jours après, les nouvelles catastrophiques ne cessant d’affluer, il regagnait précipitamment son quartier général de Prusse-Orientale.
Quelques jours plus tard, j’arrivais à mon tour à Rastenburg. Sur la carte d’état-major du secteur sud du front, qui s’étendait sur une largeur de 200 kilomètres entre Voronej et Stalingrad, on voyait de nombreuses flèches rouges, qui représentaient les mouvements offensifs des troupes soviétiques, séparées par de petits cercles bleus qui étaient les nids de résistance formés par ce qui subsistait de divisions allemandes et alliées. Stalingrad était déjà entourée par des cercles rouges. Hitler, inquiet, retirait maintenant des unités de tous les autres secteurs du front et des territoires occupés pour les envoyer en toute hâte vers le front sud. Car il n’existait pas d’armée de réserve opérationnelle, malgré les avertissements du général Zeitzler, qui avait fait observer bien avant la déroute que chaque division qui se trouvait au sud de la Russie avait à défendre un front d’une longueur anormale 10 ; elles ne seraient pas en mesure, avait-il déclaré, de faire face à un assaut énergique des troupes soviétiques.
Lorsque Stalingrad fut encerclée, Zeitzler, les yeux rouges et le visage marqué par la fatigue, déclara que la VI e armée devait tenter une percée vers l’ouest et défendit son point de vue avec acharnement et énergie. Il entra dans les moindres détails pour démontrer à quel point les rations de vivres de nos soldats assiégés étaient insuffisantes et insista sur le fait
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