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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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considérations d’ordre général sur un secteur bien précis. Le colonel possédait un atout non négligeable : il était marié à l’une des secrétaires de Hitler qui assistait au thé nocturne. L’analyse envisagée avait pour but de rechercher quels plans tactiques l’ennemi pouvait bien mettre en œuvre à longue échéance et quelles conséquences pouvaient en résulter pour nous. Mis à part le souvenir de quelques grandes cartes de l’Europe que Christian commenta sans être interrompu devant Hitler silencieux, je n’ai pas retenu d’autres détails à propos de cette tentative, sinon qu’elle échoua lamentablement.
    Rien ne changea : Hitler continua à prendre lui-même toutes les décisions sans se documenter et les participants aux conférences ne s’émurent pas outre mesure et ne regimbèrent pas. Hitler négligeait les analyses de la situation, il ne songeait pas à faire évaluer les moyens logistiques nécessaires à la réalisation de ses plans ; il n’y avait pas de groupes d’études pour supputer toutes les chances de succès des offensives projetées et envisager les contre-mesures que l’adversaire pouvait décider. Les membres des états-majors du quartier général avaient la formation nécessaire pour s’acquitter de toutes ces tâches inhérentes à une guerre moderne, il aurait suffi qu’ils fussent sollicités. Certes, Hitler s’informait dans certains domaines particuliers, mais lui seul devait faire la synthèse de toutes ces connaissances fragmentaires. Aussi ses maréchaux et ses collaborateurs directs n’avaient-ils en réalité qu’un rôle consultatif, car la plupart du temps il avait déjà pris sa décision avant de leur demander conseil et on ne pouvait le faire changer d’avis que sur d’infimes détails. De plus il faisait fi de tous les enseignements qu’il aurait pu tirer lui-même du déroulement de la campagne de Russie de 1942-1943.
     
    Pour les hommes du quartier général, tourmentés par la responsabilité écrasante qui pesait sur eux, rien sans doute n’arrivait plus à propos qu’un ordre venu d’en haut qui – soulagement et excuse tout ensemble – leur dictait la conduite à suivre. A ma connaissance, rares furent ceux qui demandèrent à partir pour le front afin d’échapper au cas de conscience permanent auquel on était soumis au quartier général. C’est là un des phénomènes qui aujourd’hui encore restent pour moi incompréhensibles, car il n’arriva presque jamais à l’un d’entre nous de formuler des réserves d’ordre moral. D’ailleurs nous n’éprouvions réellement aucun scrupule de conscience. L’univers où nous vivions nous avait rendus insensibles. Pourtant les décisions de Hitler étaient lourdes de conséquences ; nos soldats se trouvaient parfois encerclés dans une poche uniquement par la faute de Hitler qui, par ses atermoiements, avait sans cesse reculé le moment d’ordonner le repli conformément à la proposition de l’état-major général. Mais ce que signifiaient les décisions de Hitler, les combats, les morts, tout cela nous laissait indifférents.
    Évidemment personne ne pouvait exiger du chef de l’État qu’il aille régulièrement inspecter le front. Pour Hitler, en revanche, qui était le commandant en chef de l’armée et qui, de surcroît, décidait par lui-même des questions de détail, c’eût été un devoir. S’il était trop malade, il se devait de désigner quelqu’un d’autre ; s’il craignait pour ses jours, il n’avait pas le droit de rester le commandant en chef de l’armée.
    Quelques tournées au front auraient permis à Hitler et à son état-major de déceler sans peine les erreurs fondamentales qui faisaient couler autant de sang. Mais lui et ses adjoints militaires croyaient pouvoir conduire les opérations sur leurs cartes d’état-major. Ils ne savaient rien de la rigueur du climat et de l’état des routes pendant l’hiver russe ; nos soldats, harassés, épuisés, mal équipés, sans cantonnements, devaient se terrer, à moitié gelés, dans des trous, leur résistance était brisée depuis longtemps : toutes ces souffrances qu’ils enduraient, Hitler et ses adjoints les ignoraient. Pourtant, à la conférence d’état-major, Hitler considérait ces unités comme des troupes en pleine possession de leurs moyens, c’est comme telles qu’il les envoyait au combat et jugeait de leur valeur. Sur la carte, il déplaçait dans toutes les

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