Au Coeur Du Troisième Reich
par les grandes fusées à longue portée, longues de 14 mètres, pesant plus de 13 tonnes et qui furent connues sous le nom de V 1 . Hitler entendait que l’on en construise 900 par mois. Il était absurde de vouloir répondre aux flottes de bombardiers ennemies, qui en 1944 larguèrent en moyenne sur l’Allemagne 3 000 tonnes de bombes par jour pendant plusieurs mois à l’aide de 4 100 quadrimoteurs, par des représailles qui auraient propulsé tous les jours 24 tonnes d’explosifs en Angleterre : la charge de bombes larguées par six forteresses volantes seulement 6 .
Sans doute peut-on considérer qu’une des erreurs les plus lourdes de conséquences que j’aie commises à la tête de l’armement allemand a consisté non seulement à approuver cette décision de Hitler, mais aussi à donner un avis favorable, alors que nous aurions mieux fait de concentrer nos efforts sur la production d’une fusée défensive sol-air. Un prototype avait atteint un tel degré de mise au point en 1942, sous le nom de « Cataracte », qu’il aurait été possible de passer rapidement à la production en série, si nous avions engagé à partir de cette date les capacités de tous les techniciens et de tous les chercheurs scientifiques du centre de recherches sur les fusées de Peenemünde, que dirigeait Wernher von Braun 7 .
Longue de huit mètres, cette fusée pouvait propulser vers une flotte de bombardiers ennemis environ 300 kg d’explosifs à une altitude pouvant atteindre 15 000 mètres sans manquer sa cible. Elle fonctionnait indépendamment du jour ou de la nuit, des nuages, du gel ou du brouillard. De même que nous avons été en mesure ultérieurement de lancer un programme prévoyant une production mensuelle de 900 grandes fusées offensives, il aurait sans aucun doute été possible de produire tous les mois plusieurs milliers de ces fusées, dont le prix de revient était sensiblement moins important. Je continue à penser que ces fusées, combinées aux avions à réaction, auraient brisé à partir du printemps 1944 l’offensive aérienne des alliés occidentaux contre notre industrie. Au lieu de cela, on engloutit des sommes gigantesques dans la mise au point et la production de fusées à longue portée, qui se révélèrent un échec presque total lorsqu’elles furent opérationnelles, à l’automne 1944. Notre projet le plus dispendieux était en même temps le plus insensé. L’objet de notre fierté et, pendant un temps, le but privilégié de ma politique d’armement apparut comme un investissement à fonds perdus. En outre ce fut l’une des causes qui nous fit perdre la guerre aérienne défensive.
Depuis l’hiver 1939 déjà, j’étais en contact étroit avec la station expérimentale de Peenemünde, ayant été dans un premier temps chargé d’en réaliser les constructions. J’aimais me trouver au milieu de ce cercle de jeunes savants et inventeurs étrangers à la politique, que dirigeait un jeune homme de vingt-sept ans, conscientdu but à atteindre, et vivant déjà en réaliste dans l’avenir : Wernher von Braun. Il était extraordinaire de voir une si jeune équipe, qui n’avait pas encore fait ses preuves, avoir la possibilité, en disposant de centaines de millions de marks, de poursuivre un projet dont la réalisation n’interviendrait que dans un avenir lointain. Sous la direction paternelle du colonel Walter Dornberger, ils pouvaient travailler à l’abri des tracasseries bureaucratiques et développer des idées qui pouvaient à l’occasion paraître utopiques.
Les projets ébauchés à Peenemünde dans les premiers temps, en 1939, exercèrent sur moi une action étrangement fascinante : ces recherches évoquaient la conception d’un miracle. Ces techniciens, avec leurs visions fantastiques, ces calculateurs romantiques m’ont toujours profondément impressionné à chaque visite que je fis à Peenemünde et spontanément je sentis que nous faisions, d’une certaine manière, partie de la même famille. Ce sentiment se vérifia lorsqu’à la fin de l’automne 1939, Hitler dénia tout caractère de priorité au projet de construction de fusées, retirant par là même automatiquement à l’entreprise des travailleurs et du matériel. Avec l’accord tacite de la Direction des armements de l’armée de terre, je continuai à construire sans son assentiment les installations de Peenemünde ; j’étais sans doute le seul à pouvoir ainsi
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