Au Coeur Du Troisième Reich
l’obscurité et on passa un film en couleurs où Hitler vit pour la première fois le spectacle majestueux d’une grande fusée qui décollait et disparaissait dans la stratosphère. Sans aucune crainte, avec un enthousiasme juvénile, von Braun expliqua ses projets et il n’y eut plus de doute : Hitler était désormais définitivement conquis par le projet. Dornberger expliqua quelques problèmes d’organisation, tandis que je proposai à Hitler denommer von Braun professeur. « Oui, réglez cette question tout de suite avec Meissner, déclara-t-il vivement ; dans le cas présent, je signerai même personnellement l’arrêté de nomination. »
Hitler prit congé des chercheurs de Peenemünde avec une extrême cordialité ; il était à la fois enthousiaste et profondément impressionné. Revenu dans son bunker, il se laissa aller pleinement à la griserie où le plongeaient les perspectives offertes par ce projet : « La A 4 50 représente une mesure décisive pour la guerre. Quel ne sera pas le soulagement que connaîtra la terre allemande lorsque nous attaquerons les Anglais avec cette arme ! Voilà l’arme qui décidera du sort de la guerre et il est possible également de la produire avec des moyens relativement peu importants. Vous, Speer, vous devez mettre tout en œuvre pour accélérer la réalisation de la A 4 ! Tout le matériel et tous les travailleurs indispensables doivent être mis à sa disposition immédiatement. Je voulais signer dès maintenant le décret établissant le programme des chars d’assaut. Mais j’ai changé d’avis : modifiez donc le projet de telle sorte que la mise au point de la A 4 se voie attribuer la même importance que la production des chars d’assaut. Mais, ajouta Hitler, nous ne pouvons employer que des Allemands pour cette mise au point. Que Dieu nous soit en aide si l’ennemi vient à avoir vent de cette affaire 11 . »
Lorsque nous nous retrouvâmes seuls, il n’y eut qu’une seule chose à laquelle il refusa de croire : « Ne vous êtes-vous pas trompé ? Ce jeune homme a-t-il bien vingt-huit ans ? Je l’aurais cru plus jeune encore ! » Il trouvait étonnant qu’un homme aussi jeune ait pu contribuer à l’éclosion d’une idée technique qui changeait la face de l’avenir. Lorsqu’il lui arriva plus tard d’exposer sa thèse selon laquelle, à notre époque, les gens gaspillaient leurs meilleures années à des choses inutiles, alors que dans le passé Alexandre le Grand avait conquis un grand empire à vingt-trois ans et Napoléon remporté ses victoires géniales à trente ans, il évoqua plusieurs fois en passant Wernher von Braun qui avait, à Peenemünde, créé une merveille technique à un âge tout aussi précoce.
Il s’avéra à l’automne 1943 que nos espérances étaient prématurées. Les plans définitifs ne purent être livrés comme promis en juillet, de sorte que nous ne pûmes tenir notre engagement de produire rapidement la fusée en série. D’innombrables sources d’erreur étaient apparues ; lorsqu’on procéda aux premiers tirs expérimentaux de fusées munies de leur charge explosive, des explosions inexplicables se produisirent prématurément lorsque la fusée retombait dans l’atmosphère 12 . Trop de questions demeuraient encore non résolues, déclarai-je en avertissement dans un discours prononcé le 6 octobre 1943, si bien qu’il était prématuré « de parler de mise en service sûre de cette arme nouvelle ». La différence qui existe entre la construction d’un prototype et la production en série, déjà considérable en soi, comptait forcément beaucoup étant donné la grande complexité de ces mécanismes.
Presque une année s’écoula encore : au début de septembre 1944, les premières fusées furent tirées sur l’Angleterre. Non pas 5 000 d’un coup comme l’avait imaginé Hitler, mais 25 en l’espace de dix jours.
Le projet des V 2 ayant éveillé l’enthousiasme de Hitler, Himmler entra en action. Six semaines plus tard, il proposa à Hitler de garantir le secret de ce programme présumé décisif pour le sort de la guerre de la manière la plus simple possible : si l’ensemble de la production était assuré par des détenus des camps de concentration, tout contact avec le monde extérieur cesserait, car il n’existait même pas de liaison postale et il se faisait fort en même temps de recruter tous les travailleurs désirés parmi les
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