Au Coeur Du Troisième Reich
concentration dans le Gau de Haute-Silésie. Jamais, sous aucun prétexte. Il avait vu là-bas un spectacle qu’il n’avait pas le droit de décrire et qu’il n’était pas non plus capable de décrire.
Je ne lui ai pas posé de questions, je n’ai pas posé de questions à Himmler, je n’ai pas posé de questions à Hitler, je n’ai pas parlé de cela avec mes amis personnels. Je n’ai pas cherché à savoir, je n’ai pas voulu savoir ce qui se passait là-bas. Il devait s’agir d’Auschwitz. Pendant ces instants où Hanke me mettait en garde, toute ma responsabilité était redevenue réalité. C’est à ces instants que j’ai dû penser, au procès de Nuremberg, quand j’ai reconnu devant le tribunal international, qu’en qualité de membre important du gouvernement du Reich j’avais ma part de responsabilité dans tout ce qui s’était passé. Car à partir de cet instant je fus lié inéluctablement par une culpabilité morale à ces crimes, pour avoir fermé les yeux par crainte de découvrir des faits qui auraient pu m’amener à tirer les conséquences. Cet aveuglement volontaire annule peut-être tout ce que j’ai fait et voulu faire de positif durant les derniers mois de la guerre, il réduit à rien mon activité ultérieure. C’est précisément parce j’ai alors failli à mon devoir que je me sens aujourd’hui encore personnellement responsable d’Auschwitz.
----
50 . Agrégat 4, indication portée sur les bleus d’étude. (N.D.T.)
51 . « Usine d’Allemagne centrale », dont les ateliers se trouvaient au camp de concentration de Dora, rebaptisé Mittelbau. (N.D.T.)
26.
Opération « Walkyrie »
En survolant une usine d’hydrogénation bombardée, je fus frappé par la précision avec laquelle les flottes aériennes alliées larguaient leurs tapis de bombes. Soudain, à la vue de cette précision, l’idée me traversa l’esprit que les Alliés pouvaient facilement détruire en un seul jour tous les ponts du Rhin. Des experts à qui je demandai de dessiner à l’échelle les ponts du Rhin sur les photos aériennes des champs d’entonnoirs confirmèrent cette crainte. En hâte je fis amener les poutrelles d’acier nécessaires à une réparation rapide des ponts. En outre je passai commande de dix bacs et d’un pont de bateaux 1 .
Dix jours plus tard, le 29 mai 1944, rempli d’inquiétude, j’écrivis à Jodl : « Je suis tourmenté à l’idée qu’un jour les ponts du Rhin puissent être détruits, ce qui est dans l’ordre des possibilités comme j’ai pu m’en rendre compte ces derniers temps d’après la densité des bombardements. Quelle sera la situation si l’ennemi, après avoir coupé les voies de communication des armées stationnées dans les territoires occupés de l’Ouest, effectue ses débarquements non pas sur la côte atlantique, mais sur la côte allemande de la mer du Nord ? Un tel débarquement serait dans le domaine des choses possibles, maintenant que la première condition nécessaire à la réussite d’un débarquement dans la zone côtière de l’Allemagne du Nord, la maîtrise absolue de l’espace aérien, est remplie. En tout cas, les pertes de l’ennemi seraient moindres que dans le cas d’une attaque directe du mur de l’Atlantique. »
C’est à peine si nous disposions encore sur notre propre territoire d’unités combattantes. Si des unités de parachutistes réussissaient à s’emparer des aérodromes de Hambourg et de Brème, si l’ennemi, avec des forces peu importantes, pouvait conquérir ces deux ports, je craignais que les armées d’invasion débarquées ne soient en mesure d’occuper Berlin en quelques jours sans rencontrer de résistance, puis d’envahir toute l’Allemagne ; les trois armées qui se trouvaient encore à l’ouest se verraient alors coupées de leurs arrières et les groupes d’armées du front seraient fixés par de durs combats défensifs ; ils seraient en outre trop éloignés pour pouvoir intervenir en temps utile.
Mes craintes étaient aussi extravagantes que pouvaient l’être à l’occasion les idées de Hitler. Jodl me déclara ironiquement, lors du séjour que je fis peu après à l’Obersalzberg, que j’avais sans doute grossi les rangs déjà pléthoriques des stratèges ; Hitler, lui, adopta mon idée. A la date du 5 juin 1944, Jodl notait dans son journal : « On doit créer en Allemagne les infrastructures de divisions que l’on pourra gonfler le
Weitere Kostenlose Bücher